Le chef rebelle Bosco Ntaganda, soupçonné de crimes commis dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003, a clamé son innocence mardi au cours de sa première comparution à La Haye devant la Cour pénale internationale (CPI), une semaine après sa reddition surprise à Kigali.
« J’ai été informé de ces crimes, mais je plaide non coupable », a déclaré le suspect avant d’être interrompu par la juge Ekaterina Trendafilova, qui lui a expliqué que l’objet de l’audience n’était pas de savoir s’il plaidait coupable ou non coupable.
Surnommé « Terminator » car réputé sans pitié, le charismatique chef rebelle, crâne rasé, portait une fine moustache et était vêtu d’une veste noire de costume, d’une chemise et d’une cravate bleues foncées. Semblant hésitant, il a écouté attentivement la juge au cours de l’audience et a pris quelques notes.
« Le but de la comparution initiale est très limité », a indiqué la juge, rappelant qu’il s’agit notamment d’informer le suspect des crimes qui lui sont imputés : « vous aurez plus tard de nombreuses opportunités de vous exprimer ».
La juge Trendafilova a fixé au 23 septembre 2013 le début de l’audience de confirmation des charges, étape suivante dans la procédure et destinée à déterminer si les éléments de preuve du procureur sont assez solides pour mener à un procès.
A l’ouverture de l’audience, vers 11H00 (10H00 GMT), le suspect a décliné son identité, affirmant être né au Rwanda mais disposer de la nationalité congolaise. Interrogé au sujet de sa profession, M. Ntaganda a répondu « comme vous le savez, j’étais militaire au Congo », des propos en kinyarwanda traduits en français par un interprète.
Un représentant du greffier a ensuite lu la liste des crimes reprochés à Bosco Ntaganda, des crimes contre l’humanité et crimes de guerre, dont meurtres, viols et pillages, commis par les Forces patriotiques pour la libération du Congo, dont il était chef d’état-major, dans l’Ituri (est de la RDC) en 2002 et 2003.
L’avocat de M. Ntaganda, Hassane Bel Lakhdar, commis d’office, a ensuite assuré que son client « a l’intention de déposer une demande de mise en liberté provisoire, mais ce ne sera pas aujourd’hui ».
Une reddition surprise
Officiellement, Bosco Ntaganda s’était réfugié le 18 mars à l’ambassade américaine de Kigali, où, selon Washington, il s’est présenté « de lui-même » pour demander à être remis à la CPI. Il avait été ensuite transféré dans la nuit de vendredi à samedi au centre de détention de la Cour.
Cette reddition surprise fait de Bosco Ntaganda, l’un des chefs de guerre les plus recherchés de la région des Grands Lacs, le premier suspect de la CPI qui se rend de façon volontaire pour être détenu.
« Le peuple congolais est très content de la détention de M. Ntaganda », a déclaré à l’AFP Dede Mukadi, 36 ans, un Congolais de Kinshasa habitant en Belgique et ayant fait la déplacement à La Haye : « c’est un grand jour pour le peuple congolais, une victoire ».
« Les atrocités commises par les forces sous le commandement de Bosco Ntaganda ont affecté des milliers de Congolais dans l’est de la RDC pendant plus d’une décennie », a pour sa part soutenu Ida Sawyer, de l’ONG Human Rights Watch, dans un communiqué.
Un garçon de 16 ans enrôlé par les hommes de Bosco Ntaganda en mars 2013 alors qu’il était sur le chemin de l’école, cité dans le communiqué de HRW, a soutenu : « maintenant, il ne peut plus revenir là où j’habite ni essayer de m’enlever de l’école et m’envoyer à la guerre ».
La reddition de M. Ntaganda a suscité de nombreuses questions, notamment sur la manière dont il a été en mesure de traverser la frontière rwando-congolaise puis rejoindre l’ambassade américaine sans se faire repérer par l’armée rwandaise.
Il avait passé la frontière entre la RDC et le Rwanda à la mi-mars, avec plusieurs centaines de ses hommes défaits dans des combats avec une faction rivale issue de l’éclatement de la rébellion congolaise du M23 (il était auparavant général dans l’armée congolaise depuis 2009).
Bosco Ntaganda a fait ses armes au sein du Front patriotique rwandais du président Paul Kagame à l’époque où cette rébellion mettait fin au génocide en 1994. Certains estiment qu’il pourrait faire d’embarrassantes révélations sur le rôle de Kigali dans l’est de la RDC.
AFP