Les soldats somaliens et ceux de l’Union africaine sont entrés lundi dans Kismayo, plus de 48 heures après le retrait des islamistes shebab de leur dernier bastion d’importance en Somalie, ont rapporté des habitants à l’AFP.
Les premiers éléments du contingent kényan de la Force de l’Union africaine en Somalie (Amisom), épaulés par des forces somaliennes, « sont arrivés par l’ouest de la ville et sont en train de se déployer », a déclaré au téléphone à l’AFP un des habitants, Aden Ismail.
« Nous pouvons les voir désormais, je vois des officiers somaliens et des Kényans très lourdement armés », a de son côté rapporté Asha Mohamed Aden, une mère de famille, à l’AFP.
Les insurgés islamistes somaliens avaient annoncé samedi matin avoir opéré dans la nuit précédente un « repli tactique » et quitté Kismayo, qu’ils contrôlaient d’une main de fer depuis août 2008. Le contingent kényan de l’Amisom avait lancé la veille contre la ville portuaire du sud un assaut massif par la mer, appuyé par des bombardements aériens.
« Beaucoup de gens sont heureux de voir arriver (les forces pro-gouvernementales) parce qu’ils étaient fatigués de la mauvaise administration shebab », a affirmé à l’AFP Abudullahi Farey Hassan, un habitant. « Mais, je reste sur mes gardes jusqu’à ce que je voie (…) qu’ils sont mieux que les shebab », a-t-il ajouté.
Les habitants de Kismayo attendent en priorité des nouvelles autorités qu’elles évitent un retour en force des milices claniques, qui se disputaient la ville avant l’arrivée des shebab.
« Kismayo est très calme ce (lundi) matin et il n’y a pas de combats ». « Mais nous sommes inquiets des milices claniques qui parcourent la ville, j’ai vu 15 hommes armés appartenant aux clans locaux ce matin », déclarait ainsi Alu Mumin, avant l’arrivée des forces kényanes et somaliennes.
« Le nombre de milices claniques augmente de jour en jour, il y a des pillages », avait expliqué auparavant à l’AFP un autre habitant, Hussein Duale, se disant « très inquiet pour l’avenir de la ville ».
« Les shebab ne sont plus là; les shebab les empêchaient de se battre, mais désormais la guerre civile peut éclater à n’importe quel moment si les troupes (kényanes et gouvernementales somaliennes) n’entrent pas en ville », avait-il ajouté.
L’abandon de Kismayo est le dernier revers militaire en date des shebab qui ont perdu un à un tous leurs bastions d’importance depuis qu’ils ont été chassés de Mogadiscio en août 2011, même s’ils continuent de contrôler de vastes portions du sud et du centre de la Somalie.
La perte de la ville devrait priver les shebab d’une part importante des revenus qu’ils tiraient du port, via l’exportation du charbon de bois et la collecte de taxes.
Ce nouveau recul ne marque toutefois pas l’anéantissement du mouvement islamiste qui depuis un an s’est converti à la guerre asymétrique et a multiplié les actes de guérilla et les attentats.
Casse-tête politique
Et imposer l’autorité du nouveau gouvernement somalien s’annonce comme un nouveau défi.
« Comment gérer Kismayo après les shebab sera l’une des plus difficiles questions auxquelles devra faire face le président Hassan » Cheikh Mohamoud, élu en septembre et qui va devoir asseoir le contrôle de son gouvernement sur la ville pour s’imposer en tant que chef de l’Etat, estime Habdirashid Hashi, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Ej Hogendoorn, chef de projet Corne de l’Afrique à l’ICG, souligne que « Kismayo a toujours été un endroit difficile à contrôler: les trois principaux clans s’y sont continuellement battus depuis 20 ans pour le contrôle du port et de ses revenus ».
« La communauté internationale en est consciente et a tenté de favoriser un accord entre les trois clans mais jusqu’ici cela a échoué », a-t-il ajouté.
Hassan Cheikh Mohamoud a félicité lundi l’Amisom pour avoir chassé les shebab de Kismayo.
« C’est un grand jour pour les habitants (…) nous félicitons l’Amisom et les troupes somaliennes qui ont montré de la bravoure en chassant l’ennemi hors de la ville », a déclaré le président somalien
dans un communiqué.
« J’appelle la communauté internationale et les organisations humanitaires à aider les personnes déplacées dans la région, qui n’ont reçu aucune assistance en raison de l’interdiction faite aux organisations humanitaires par les shebab de travailler », a-t-il ajouté.
Selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), au cours des quatre semaines, environ 12.000 personnes ont fui la ville, dont la population est estimée entre 160.000 et 190.000 habitants.
AFP