La Cour suprême rwandaise a rejeté jeudi un recours de l’opposante Victoire Ingabire contestant la constitutionnalité d’une loi sur l’idéologie du génocide en vertu de laquelle elle risque la prison à vie, a constaté un journaliste de l’AFP.
« La Cour ne trouve aucune contradiction entre la loi sur l’idéologie du génocide et la Constitution, » a déclaré un panel de neuf juges rwandais à Kigali.
Cette interprétation de la loi a immédiatement été contestée par Mme Ingabire, présente sans ses avocats devant la Cour suprême jeudi. La salle d’audience était en revanche remplie de membres du parti de l’opposante, les Forces démocratiques unifiées (FDU).
Victoire Ingabire, 44 ans, critique notoire du président rwandais Paul Kagame, est actuellement jugée pour « complicité de terrorisme » et « propagation de l’idéologie du génocide » par un tribunal de Kigali, notamment en vertu de la loi dont elle contestait la constitutionnalité.
Le Parquet a requis la perpétuité contre Mme Ingabire, qui rejette les accusations portées contre elle et boycotte son procès. Dans l’attente de l’arbitrage de la Cour suprême, le tribunal qui la juge avait reporté à vendredi 19 octobre son verdict.
Présidente des FDU, formation d’opposition non reconnue par Kigali, Victoire Ingabire, une Hutu, est incarcérée depuis octobre 2010 et poursuivie pour complicité de terrorisme, propagation de l’idéologie du génocide, sectarisme et divisionnisme, atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, création d’un groupe armé avec l’intention de provoquer la guerre.
L’accusation a affirmé disposer de preuves de transferts d’argent de Mme Ingabire au profit des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une rébellion hutu rwandaise qui multiplie les exactions dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et que Kigali qualifie de « terroriste ».
Partie suivre une formation aux Pays-Bas peu avant que n’éclate le génocide des Tutsi en 1994, Mme Ingabire n’est revenue au Rwanda que début 2010. Elle avait cherché, en vain, à se présenter à l’élection présidentielle rwandaise. Paul Kagame, dont le Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion) a stoppé le génocide, avait été réélu avec 93% des voix.
Le jour même de son retour au Rwanda, l’opposante, après avoir déposé des gerbes de fleurs à un mémorial du génocide à Kigali, avait demandé que les auteurs de crimes commis contre les Hutu en 1994 soient aussi jugés.
Kigali accuse Mme Ingabire d’avoir ainsi nié la réalité du génocide, au cours duquel au moins 800.000 personnes selon l’ONU, essentiellement Tutsi, ont été tuées.
Jeudi, le vice-président des FDU, Boniface Twagirimana, a dit ne pas s’attendre vendredi, pour le verdict du procès de Mme Ingabire, « à quelque chose de différent de ce qui s’est passé à la Cour suprême. »
« C’est la raison pour laquelle notre responsable boycotte l’audience, » a-t-il ajouté. « Elle ne sera pas devant le tribunal demain » vendredi.
AFP