Elue le 23 octobre lors des premières élections libres en Tunisie, l’Assemblée nationale constituante, dominée par les islamistes d’Ennahda, a pris son temps: un mois pour se réunir en plénière, un autre pour définir une « mini constitution » provisoire et son règlement intérieur…
Finalement, depuis la mi-février, les 217 élus, partagés en commissions thématiques, ont commencé à s’atteler à leur mission principale: la rédaction d’une nouvelle constitution pour la Tunisie post-Ben Ali.
« Oui, on peut dire que le travail progresse à pas de tortue », reconnaît Ahmed Nejib Chebbi, fondateur du Parti démocrate progressiste (PDP), dans l’opposition.
« Question de méthode et de volonté politique », analyse-t-il. A l’instar de nombre de ses collègues, il estime néanmoins que la récente décision d’Ennahda de renoncer à toute référence explicite à la charia dans la future constitution a levé un gros obstacle au travail des constituants.
« La pression a diminué d’un cran », abonde Hassen Radouani, un indépendant membre de la commission « Préambule et principes généraux », l’une des plus sensibles puisqu’elle devait décider de la référence ou non à la charia.
« C’est beaucoup plus calme »
« Avant, il y avait beaucoup d’éclats de voix, maintenant, c’est beaucoup plus calme », sourit cet inspecteur central de la Poste, originaire du bassin minier de Gafsa (centre de la Tunisie).
Indemnisé comme ses collègues 2.235 dinars par mois (environ 1.100 euros), il rentre tous les week-end retrouver sa famille dans sa région d’origine.
Les commissions constitutives (préambule, droits et libertés, organisation des pouvoirs, juridictions, collectivités) se réunissent les lundi, mardi, mercredi. Les huit commissions législatives sont prévues les jeudi et vendredi, et trois commissions spéciales –dont une consacrée au dossier sensible des martyrs de la révolution– se réunissent aléatoirement.
Les critiques sur le fonctionnement de l’Assemblée –absentéisme, manque de transparence…– sont récurrentes.
Mais en majorité, les constituants travaillent. Directeur commercial, Mohsen Kaabi, élu d’Ennahda à la Manouba (ouest de Tunis), a pris une année de congé sans solde pour se consacrer à la Constituante.
Les élus auditionnent des juristes, des experts, des représentants d’ONG, comme Amnesty qui est venue plaider pour l’abolition de la peine de mort dans le futur texte fondamental de la Tunisie.
Il y a les « figures » de l’Assemblée, tel Brahim Qassas, élu de la « Pétition populaire », un obscur mouvement dirigé par un millionnaire tunisien basé à Londres, toujours vêtu de sa tenue traditionnelle bédouine et adepte des sorties théâtrales en séance plénière.
Il y a les rivalités historiques entre anciens opposants à Ben Ali, la plus fameuse étant celle opposant Ahmed Nejib Chebbi du PDP à Mustapha Ben Jaafar, le président de l’Assemblée constituante, dont le parti de gauche Ettakatol est allié aux islamistes.
« Nous avons dû mener une lutte acharnée pour conquérir un temps de parole pour l’opposition », raconte M. Chebbi, qui s’est déjà fait couper le micro abruptement par son rival en séance plénière.
Mais, souligne le constituant Mohsen Kaabi, « le plus beau dans cette expérience, c’est que malgré les tensions, on rigole ensemble, on mange ensemble. Nous tissons la démocratie petit à petit ».
AFP