Le Soudan du Sud a célébré lundi le 1er anniversaire de son indépendance, en présence de dirigeants étrangers mais en l’absence du président soudanais Omar el-Béchir, avec qui les relations restent très tendues après des combats frontaliers entre les pays voisins au printemps.
« Nous nous sommes battus pour que nos droits soient reconnus parmi la communauté libre des nations, et nous les avons gagnés, mais nous dépendons encore des autres », a déclaré le président sud-soudanais, Salva Kiir.
« Notre liberté est aujourd’hui incomplète », a-t-il lancé. « Nous devons être plus que libérés, nous devons être indépendants économiquement ».
A tout juste un an, le Soudan du Sud traverse de graves difficultés économiques : la jeune nation est privée de 98% de ses revenus depuis janvier, quand, en conflit avec Khartoum sur le partage de la manne pétrolière du Soudan d’avant la partition, elle a stoppé sa production de brut.
Le chef de l’Etat ougandais, Yoweri Museveni, s’est, lui, fendu d’une pique contre Omar el-Béchir, apportant son soutien au combat du peuple sud-soudanais contre « le petit homme de Khartoum ».
M. Béchir était invité mais a « refusé de venir dans le sud », avait affirmé dimanche M. Kiir. L’an dernier, le président soudanais avait été chaleureusement accueilli à Juba pour les célébrations de la partition du Soudan. Cette année, Khartoum était seulement représentée par un vice-ministre des Affaires étrangères, Salahudin Wanasy Mohammed.
La foule avait convergé dès l’aube vers le mémorial John Garang, chef historique de la rébellion sudiste, mort en 2005, pour assister à une parade militaire et aux discours. La fête avait commencé dès minuit avec des concerts de klaxons.
L’indépendance avait scellé un demi-siècle de guerres civiles qui ont fait des millions de morts.
Des « défis importants »
« C’est un grand jour, parce que c’est le premier anniversaire de mon pays », a expliqué Rachel Adau, une infirmière, non loin de troupes de danseurs s’échauffant dans une cacophonie de sifflets, tambours, maracas, you-yous et cris.
« Aujourd’hui, nous célébrons le jour où le peuple s’est libéré de la domination des Arabes », explique Michael Kenyi Benjamin, un étudiant, en référence au pouvoir arabo-musulman honni de Khartoum.
Malgré la joie affichée, l’euphorie de l’indépendance qui avait marqué le 9 juillet 2011 a désormais laissé place à la dure réalité. Cette première année d’existence a été marquée par de graves tensions avec l’ancien dominateur soudanais qui, au-delà de la querelle sur le pétrole, ont dégénéré en combats armés frontaliers de mars à mai.
« Je vous encourage à continuer de suivre la feuille de route de l’Union africaine (UA) et la résolution du conseil de sécurité des Nations unies (…) en tant qu’UA, nous lançons le même appel au Soudan, » a déclaré, à la tribune des célébrations, le président de la commission de l’UA, Jean Ping.
Le Soudan et le Soudan du Sud sont engagés dans de laborieuses négociations sous l’égide de l’UA pour résoudre leurs différends, sur le pétrole mais aussi la démarcation de leur frontière commune.
« Une paix et un développement durables au Soudan du Sud ne seront possibles qu’une fois que le Soudan du Sud et le Soudan vivront côte à côte, bons voisins respectant chacun la souveraineté de l’autre », a déclaré dans un communiqué la diplomate en chef de l’Union européenne, Catherine Ashton.
A Juba lundi, des volontaires sollicitaient des dons pour l’armée aux portes du mémorial John Garang.
Administration, infrastructures, services de base: tout reste à construire dans un pays parti quasiment de zéro, Khartoum n’ayant jamais développé la région. La population adulte est illettrée à 73%, le taux de scolarisation dans le secondaire est d’à peine 6%. Des violences tribales ont également fait naître des craintes pour l’unité du pays.
Dimanche
, dans un message de félicitations, Washington avait souligné les « défis importants » auxquels fait face le pays, rappelant que les combats et les difficultés économiques « menaçaient les fondations mêmes sur lesquelles le Soudan du Sud doit bâtir son avenir ».
AFP