L’incertitude régnait vendredi à Addis-Abeba sur l’état de santé réel du Premier ministre éthiopien Meles Zenawi, et sur qui est actuellement aux commandes de l’Etat, au lendemain de l’annonce par les autorités du « congé » de celui qui est l’homme fort de l’Ethiopie depuis plus de 20 ans.
Le porte-parole du gouvernement éthiopien Simon Bereket s’est voulu rassurant jeudi sur l’état de santé du Premier ministre, 57 ans, source de toutes les rumeurs et spéculations ces derniers jours, assurant qu’il était « très bon et stable ».
Mais, fait inédit dans un pays qui cultive un certain secret autour de son dirigeant et contrôle soigneusement l’information, il a dû admettre que les médecins avaient recommandé à M. Meles « un congé ». Le porte-parole s’est abstenu toutefois d’en préciser la durée, évoquant simplement, sans réellement convaincre les observateurs, une question de « jours ».
Des sources diplomatiques ont néanmoins affirmé mercredi et jeudi à l’AFP que M. Meles était hospitalisé à Bruxelles dans un état critique. Le Premier ministre éthiopien n’est plus apparu en public depuis juin et son absence, inédite, a été remarquée lors du Sommet de l’Union africaine dont Addis était l’hôte les 15 et 16 juillet.
Diplomates et analystes reconnaissent peiner à savoir de quelle façon exactement est actuellement géré le gouvernement en l’absence de M. Meles, lequel incarne à lui seul le pouvoir en Ethiopie, qu’il dirige d’une poigne de fer depuis 1991.
« Nous n’avons pas d’autres informations que celles que nous obtenons par les médias », admet un diplomate sous le couvert de l’anonymat.
La Constitution éthiopienne est muette en ce qui concerne le constat de vacance ou d’empêchement du chef du gouvernement, et sur les procédures de remplacement le cas échéant. Son article 75 prévoit seulement que le vice-Premier ministre « agit au nom du Premier ministre en son absence », sans autre précision, notamment de durée.
« Il n’y a aucune modalité prévue en cas d’absence de Meles du pouvoir », a confirmé à l’AFP Ahmed Soliman, chercheur spécialisé sur la Corne de l’Afrique au centre de réflexion Chatham House à Londres.
Une autre source diplomatique souligne qu’il est difficile de savoir de quel pouvoir légal dispose réellement, à l’heure actuelle, le vice-Premier ministre Hailemariam Desalegn, 47 ans.
« Il remplace manifestement actuellement le Premier ministre (…) mais quelle est sa situation juridiquement, je ne sais pas », poursuit-il.
En pleine incertitude sur la santé de M. Meles, le vice-Premier ministre participe actuellement en Chine pour une conférence sur la coopération Chine-Afrique, mais devrait rentrer rapidement en Ethiopie, a assuré le porte-parole du gouvernement.
Interrogé par l’AFP, M. Bereket a assuré que le gouvernement « fonctionne et travaille » et que M. Meles restait joignable par les hauts responsables gouvernementaux, sous-entendant qu’il était encore aux commandes.
« Chaque fois qu’ils ont besoin, oui ils le contactent », a-t-il affirmé, estimant qu’il n’était nul besoin de préparer un remplacement de M. Meles sur le long terme, puisque son retour était une question de jours.
Une des sources diplomatiques interrogées par l’AFP, reconnaît que le gouvernement continue de gérer ses activités quotidiennes « normalement ». « La crise ou l’incertitude a en quelque sorte souligné la force de la structure, qui n’a pas sombré dans l’hystérie », estime-t-il.
Du côté de l’hégémonique parti au pouvoir, l’ancienne guérilla du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), que préside M. Meles, aucun signe apparent de fracture ou de manoeuvres n’ont pour l’heure été constatés.
« Il est encore trop tôt, les choses sont tellement étroitement surveillées au sein du régime que rien que d’évoquer cette question (d’une succession de M. Meles) serait un problème pour quelqu’un de l’appareil », estime M. Soliman, selon qui le parti, du moins dans l’immédiat, devrait continuer de faire bloc.
« Le parti suit une ligne et s’assure qu’elle est suivie, mais c’est Meles qui définit cette ligne du parti », a-t-il expliqué, « une absence à court terme ne changera rien à cela, mais désormais tout e
st une question de temps ».
AFP