vendredi, novembre 22, 2024
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La guerre du poulet surgelé fait rage à Kinshasa

A bouillir ou à rôtir, entiers ou découpés, les poulets surgelés sont au coeur d’une bataille à Kinshasa entre les importateurs et le gouvernement congolais qui, au nom du pouvoir d’achat, a promis de casser les prix de produits de première nécessité.

La décision a été prise fin juin en conseil des ministres: dorénavant, les prix des cartons de 10 kg de poulet seraient divisés par deux voire plus. Au rayon des surgelés, appelés « vivres frais » et très prisés des quelque 12 millions de Kinois, les poissons chinchards et côtes de porc sont eux aussi concernés, avec une baisse toutefois moins drastique.

Les autorités affirment en effet avoir constaté après enquête que les importateurs pratiquaient des prix trop élevés, surtout au vu d’une situation socio-économique aggravée par la crise du Covid-19.

Or, pour se nourrir, la capitale n’a guère le choix: elle doit consommer importé, faute de production locale, selon un modèle économique qui ne date pas d’hier, puisque les premières importations de poulet congelé remontent aux années soixante.

Fin juin également, autre engagement du président Félix Tshisekedi, le gouvernement ordonnait une réduction conséquente du prix des vols intérieurs. Mais si les billets d’avion sont maintenant moins chers, le poulet surgelé fait de la résistance. Il a même augmenté.

« Le carton était à 42.000 francs congolais (21 dollars), là il est à 56.000 (28 dollars) », peste Maman Sandra, rencontrée au comptoir d’une « chambre froide » du marché populaire Gambela.

Trop cher. Du coup, la mère de trois enfants a acheté des saucisses et des frites, surgelées elles aussi.

Quand on lui demande pourquoi elle consomme habituellement des poulets surgelés venus du Brésil, de Belgique, d’Argentine, des Etats-Unis, de Chine ou d’ailleurs, conservés dans des conditions parfois aussi aléatoires que l’alimentation électrique du pays, Sandra répond que c’est plus pratique que les poulets vivants, qu’il faut tuer et plumer. En plus ils sont généralement moins chers.

Au fond du marché Gambela, Maman Emilie gère fièrement son petit étal de poules blanches et rousses à l’oeil vif. Les prix vont de 15 à 20.000 FC (7,5 à 10 dollars). Elle ne se plaint pas, mais les clients ne se bousculent pas.

– « Inonder » le marché –

« La baisse des prix des surgelés est une bonne décision », juge Hugues, gérant de la chambre froide « La Résurrection ». « Le problème, c’est la pratique ».

« Les importateurs sont libanais, indiens… ils tiennent le marché. Les grossistes ne veulent pas baisser les prix, nous ne pouvons pas le faire non plus », constate-t-il. Refusant d’assumer la responsabilité du blocage, les chambres froides ont fait grève pendant deux jours début septembre.

« Nous appelons les consommateurs à la résistance, il faut dénoncer les commerçants véreux », s’emporte Derick Tshibangu, président de l’Organisation de défense des consommateurs (ODC) du Congo, en accusant les grossistes de faire de la rétention de produits, les rendant plus rares et donc plus chers.

Des importateurs sont aussi accusés de minorer très fortement la valeur des cargaisons importées et de fonctionner dans un système opaque et corrompu.

« Tout le monde est au courant », affirme sous couvert d’anonymat un acteur du secteur.

Si le prix de vente au consommateur se base sur la valeur réelle des produits, les tarifs que les autorités veulent imposer sont inapplicables, « c’est de la vente à perte », ajoute la même source.

Après des semaines d’impasse, le gouvernement vient de se donner un mois et demi pour « inonder » le marché de surgelés. Il compte s’approvisionner directement auprès des exportateurs pour ensuite redistribuer les produits aux chambres froides congolaises, explique le service de communication du ministère de l’Economie. « Pour qu’il n’y ait pas de rupture de stock et que les consommateurs ne soient pas pénalisés », ajoute-t-il.

Professeur de sciences politiques et gouvernance, Michel Bisa Kibul estime quant à lui que l’approche du gouvernement, au-delà des discussions mal engagées sur la fixation des prix, pose un problème de fond.

« Son souci devrait être d’avoir de bons produits locaux », de soutenir l’agro-industrie congolaise plutôt que d’inonder le marché « de produits surgelés à bas prix ». Un gâchis, selon lui, alors que la République démocratique du Congo dispose de 80 millions d’hectares de terre arable et de nombreux cours d’eau regorgeant de poissons.

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