L’Egypte et le Soudan ont rejeté l’initiative de l’Ethiopie d’entamer sans accord la seconde phase de remplissage de son barrage controversé sur le Nil, qui risque de faire monter la tension à l’approche d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU jeudi.
Le Grand barrage de la Renaissance (GERD), construit par l’Ethiopie en amont du Nil, est de longue date l’objet d’un conflit avec l’Egypte et le Soudan qui craignent pour leurs ressources en eau.
Dans la nuit de lundi à mardi, le ministre égyptien de l’Irrigation Abdel Atti a annoncé avoir été informé par Addis Abeba du début de la deuxième phase de remplissage.
– Mesure « unilatérale » –
En amont de la réunion du Conseil de sécurité, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri a rencontré son homologue soudanaise Mariam al-Mahdi à New York.
Dans un communiqué, ils ont exprimé leur « strict rejet » de l’initiative de remplissage du barrage par Addis Abeba et ont appelé le Conseil de sécurité à « soutenir leur position sur un accord contraignant sur le remplissage et l’exploitation du barrage ».
L’Egypte rejette « fermement (cette) mesure unilatérale », a indiqué pour sa part Mohamed Abdel Aty dans un communiqué.
Le début de cette deuxième phase du remplissage « représente une violation des lois et normes internationales qui régulent les projets de construction sur des bassins partagés de rivières internationales », a-t-il dénoncé.
A Addis Abeba, le bureau du Premier ministre Abiy Ahmed et celui du ministre de l’Irrigation Seleshi Bekele n’avaient pas répondu dans l’immédiat aux demandes de commentaires de l’AFP.
Un responsable éthiopien a indiqué de son côté sous couvert de l’anonymat que le remplissage serait fait « en juillet et août ». Selon l’Ethiopie, l’ajout d’eau dans le réservoir est un processus naturel en particulier pendant la saison estivale des pluies.
« Le remplissage va de pair avec la construction. Si les chutes de pluie sont telles que vous les voyez en juillet, cela a dû commencer », a-t-il ajouté.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir jeudi à ce sujet à la demande de la Tunisie, membre non permanent au Conseil et représentant du monde arabe, au nom de l’Egypte et du Soudan. L’Ethiopie est opposée à cette réunion mais devrait aussi y participer.
La France, qui préside en juillet le Conseil de sécurité, a d’ores et déjà estimé que la capacité de cette instance à trouver une solution à ce conflit était limitée alors que ce dossier est plutôt géré par l’Union africaine.
« Je ne pense pas que le Conseil de sécurité peut résoudre lui-même la question du barrage », a déclaré à des médias l’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière. « Nous pouvons ouvrir la porte, inviter les trois pays à la table, à exprimer leurs préoccupations, les encourager à revenir aux négociations pour trouver une solution », a-t-il ajouté.
– Besoins en énergie –
L’Ethiopie, qui a dit avoir opéré la première phase de remplissage à l’été 2020, avait annoncé récemment qu’elle procéderait en juillet à la seconde phase, avec ou sans accord. Elle affirme que ce barrage est vital pour répondre aux besoins en énergie de ses 110 millions d’habitants.
Sameh Choukri avait récemment déploré que les négociations soient dans l’impasse depuis avril et accusait l’Ethiopie d’avoir « adopté une ligne intransigeante » diminuant les chances de parvenir à un accord, réclamé par Le Caire et Khartoum.
Le Soudan espère que le barrage va réguler ses crues annuelles, mais craint des effets néfastes sans accord. L’Egypte, qui dépend du fleuve à 97% pour son approvisionnement en eau, le voit comme une menace pour ses ressources.
M. Choukri avait toutefois affirmé en mai que la seconde phase de remplissage du réservoir n’affecterait pas les intérêts en eau de son pays.
Le méga-barrage, d’une contenance totale de 74 milliards de m3 d’eau, est construit depuis 2011 dans le nord-ouest de l’Ethiopie, près de la frontière avec le Soudan, sur le Nil bleu qui rejoint le Nil blanc à Khartoum pour former le Nil.
Avec une capacité de production d’électricité annoncée de près de 6.500 mégawatts, il pourrait devenir le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique.