vendredi, novembre 22, 2024
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Joie et larmes au Darfour après la détention d’un suspect accusé d’atrocités

Assaillis de mauvais souvenirs, les déplacés du conflit du Darfour oscillent entre joie et larmes depuis l’annonce de la détention par la Cour pénale internationale (CPI) d’un chef de milices accusé d’atrocités dans cette région de l’ouest du Soudan.

Ex-proche du président déchu Omar el-Béchir et chef des milices Janjawid recherché depuis 2007, Ali Kosheib s’est rendu volontairement en République centrafricaine et est détenu depuis mardi par la CPI à La Haye pour son rôle dans le conflit au Darfour (ouest). Il comparaîtra pour la première fois le 15 juin.

Il est accusé de 50 chefs de crimes contre l’humanité et crimes de guerre qui auraient été commis au Darfour entre 2003 et 2004 -meurtres, viols, pillages et tortures.

« Au début, je n’arrivais pas y croire », raconte à l’AFP Badria Saleh, une Soudanaise de 32 ans dans le camp de déplacés d’Al-Serif, dans la vaste région du Darfour.

« Kosheib a tué mon mari et mon frère alors qu’ils enterraient un proche en 2013. Nous avons été chassés de notre village », poursuit-elle en larmes.

En 2003 éclate la guerre entre le pouvoir central dominé par les tribus arabes et des rebelles issus de minorités ethniques africaines, qui s’estiment marginalisés. Quelques années plus tard, l’ONU donne un bilan de 300.000 morts et de 2,5 millions déplacés.

Le Darfour subit à ce jour des épisodes de violences même si les autorités ont amorcé de fastidieuses négociations avec des groupes rebelles.

– Terre brûlée –

Comme Badria Saleh, de nombreux déplacés se souviennent de la violence atroce endurée aux mains des miliciens sous les ordres de M. Kosheib.

Il y a huit ans, ses hommes ont envahi le village de Hassan al-Senoussi. « Ils ont tué mon frère et 35 autres villageois », dit M. Senoussi, ajoutant qu’il avait une peur bleue de leur chef. « Son arrestation apporte un sentiment de profonde satisfaction. »

Hamed Ahmed Harir avait essayé, lui, de retourner dans son village qu’il avait fui. « Kosheib m’a retenu pendant deux jours et a menacé de me tuer si je ne repartais pas », raconte-t-il. Il n’y a plus jamais remis les pieds.

Dans le camp de Kalma, Abdelrahman Omar, 70 ans, se rappelle lui des pillages. « Ma famille a été obligée d’abandonner 150 commerces du marché de Raheid al-Bardi. Kosheib les a saisis. »

Les Janjawid, lancées par Omar el-Béchir contre les insurgés, ont appliqué la méthode de la terre brûlée contre les groupes ethniques au Darfour, selon les groupes de défense des droits humains.

Depuis la chute et l’arrestation de M. Béchir en avril 2019 après un soulèvement populaire, les groupes rebelles réclament la remise de l’ex-dictateur à la CPI, qui souhaite le juger pour des crimes au Darfour.

Outre M. Béchir, sous mandat d’arrêt de la CPI depuis 2009, plusieurs anciens responsables de son régime sont recherchés par l’institution internationale.

– Retourner un jour –

En février, le gouvernement de transition à Khartoum a donné son accord pour un transfert vers La Haye des personnes recherchées, sans que cela ne soit suivi d’effet jusqu’à présent.

Cette semaine, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a estimé que la justice pour le Darfour avait attendu « trop longtemps ». Il est « grand temps » que cela change, a-t-elle déclaré, appelant les suspects de crimes de guerre au Soudan à se rendre et les autorités à Khartoum à coopérer.

Celles-ci ont salué la détention de M. Kosheib.

Et Minni Minnawi, chef d’un groupe rebelle, s’est félicité d' »un succès pour la justice internationale et les victimes ». « Pourvu que le reste suive, avec Béchir en priorité. »

La nouvelle de la détention d’Ali Kosheib a aussi réveillé les espoirs de retour des déplacés sur leurs terres.

« Cela apportera une certaine sécurité au Darfour », affirme Al-Maafi Madani Al-Ghali. « Nous allons pouvoir retourner dans nos villages qu’il nous a forcés à quitter ».

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