Olivier Barlet (Spécialiste du cinéma africain-France) : « Le FESPACO reprend son souffle »
Au cours de cette 27è édition du FESPACO, il y a eu une nouveauté absolue. Un nouveau comité d’organisation a été choisi de manière pertinente. Il connaît bien les évolutions actuelles du cinéma en Afrique et dans la diaspora. Ce comité a réalisé une sélection de films dans l’ensemble, bonne. On a un changement par rapport aux éditions précédentes et qui à mon avis, sauve le festival. En effet, le FESPACO était menacé de ne plus être considéré comme un festival important. Ça, c’est le premier élément. Le second élément est le développement de l’activité professionnelle ou à destination des professionnels qui place le FESPACO comme un lieu de formation, de contacts professionnels, d’émulation, qui me semble important. Tous ces ateliers (Yennenga Académie par exemple), toutes les rencontres qu’il peut y avoir au siège du FESPACO, où on entre que sur badge (ce qui signifie que c’est réservé aux professionnels) est quelque chose d’important. Cela place le FESPACO comme un rendez-vous important qu’il était en train de perdre par rapport à celui de Durban en Afrique du Sud.
Après, restent les problèmes d’organisation qui sont loin d’être réglés et ça, c’est un apprentissage. C’est le choix des équipes, l’organisation en amont etc. Un Festival comme le FESPACO ne devrait plus avoir de problèmes au niveau des hébergements, des billets d’avion, des navettes. Toutes ces petites choses qui font le quotidien des festivaliers. Là, on a un certain nombre de personnes qui n’ont pas pu effectuer le déplacement de Ouaga. On aimerait bien que ça progresse car cela fait partie de l’image d’un festival international. Si le FESPACO veut garder son rang de vitrine de l’Afrique, il faut qu’il fasse des efforts au niveau de son organisation.
Le dernier enjeu reste une relative autonomie de la direction artistique vis-à-vis du pouvoir politique. Il n’est un secret pour personne que le délégué général du FESPACO a été amené à devoir taper du poing sur la table vis-à-vis de sa ministre de la Culture. On ne fait pas un festival aujourd’hui sans une autonomie véritable même si l’État doit avoir un rôle. Mais il doit avoir une autonomie de la direction artistique. Si non, il y aura conflit et dévalorisation auprès des cinéastes et ce serait mauvais pour un festival qui est en train de reprendre son souffle.
Matamba Kambila (Cinéaste-Gabon) : « C’est fantastique ! »
J’étais à Ouagadougou pour la deuxième fois. J’y étais par mes propres moyens afin de présenter un film sur les influenceurs africains, qui a été présenté au MICA à Ouaga. Ce FESPACO 2021 a été pour moi une très belle expérience. Comme le disait notre maître Sissako, président du jury, « on vient, on est fâché, on est énervé mais on revient toujours parce que c’est le seul endroit où toute la famille du cinéma africain se retrouve ». C’est une occasion unique d’échanger avec tous les cinéastes, voir des films, rencontrer des personnes pour le développement de mon prochain projet. C’est fantastique !
La vérité, c’est que le FESPACO reste le plus grand festival d’Afrique francophone. J’ai des amis qui sont venus d’Afrique du Sud, du Ghana, du Nigeria, du Rwanda, du Kenya. Le FESPACO s’ouvre et je vois que ça devient le centre névralgique du cinéma africain.
Françoise Ellong (Réalisatrice-Scénariste Cameroun) : « J’ai regardé beaucoup de films »
J’étais au FESPACO en compétition dans la section perspective avec mon film ENTERRES. J’étais à Ouagadougou principalement pour regarder des films. Et en terme de feuille de route que je me suis fixée pour regarder les films, pour moi le FESPACO s’est passé extrêmement bien. Je n’ai pas eu de difficultés particulières. J’ai à chaque fois eu réponses à mes questions et j’ai profité pour regarder le maximum de films. C’était une belle occasion. Nous passons notre temps à faire des projets et avons peu de temps pour regarder des films. J’ai donc profité de ma présence au Burkina Faso pour regarder beaucoup de films, échanger avec les producteurs et les réalisateurs des films. Toutefois, les navettes pour se rendre sur les sites de productions n’étaient pas régulières, Je devais souvent me débrouiller pour aller voir des films dans des salles. En dehors de cela, tout s’est bien passé.
Anne-Bertille Ndeysseit Vopiande (Réalisatrice-Centrafrique) : « Il y a des petits soucis techniques »
Mon film « Boyi Biyo » qui signifie « Double poumons » a été sélectionné en compétition officielle court-métrage. Mon film relate l’histoire d’un jeune pousseur de viande à Bangui qui a le rêve de remporter le marathon. Il ne fait pas partie des athlètes normaux car il s’entraîne en poussant sa viande. Il parcourt dix kilomètres par jour en vendant sa viande… C’est une sorte d’entraînement pour lui. En Centrafrique, on surnomme les gens qui ont du souffle, « Double poumons ». Et ce sont généralement eux qui remportent les marathons.
Côté organisation, il y a eu des failles comme dans toutes les organisations, vu l’effectif des participants. Il y a eu de petits soucis au niveau de l’envoi des billets d’avion. J’ai un collaborateur (Elvis Ngaïbino) qui a raté ce festival malgré que son film soit en compétition officielle car il n’a pas reçu son billet d’avion. Il ignorait avec qui il devait faire le suivi afin qu’il vienne représenter son pays au Burkina Faso. Il y a eu aussi des petits soucis techniques. Lors de la projection de mon film par exemple, les techniciens n’ont pas fait attention car les sous-titrages n’apparaissaient pas. J’ai donc dû arrêter la projection pour revérifier. Finalement, le film a été reprogrammé. En dehors de cela, on était à l’aise. L’hébergement et la restauration étaient top !
Valérie Osouf (Réalisatrice de documentaires-France) : « J’ai beaucoup de respect pour Alex Moussa Sawadogo…»
J’étais à Ouagadougou avec Dyana Gueye dans le cadre du « Tigritude », un cycle cinématographique panafricain diasporique, une anthropologie subjective qui couvre 66 ans de cinéma.
Je pense que la barre a été mise très haut par rapport aux conditions sécuritaires et sanitaires. Organiser un FESPACO si ample n’était pas facile. En le réduisant à sa plus simple expression, tout aurait été un peu plus fluide à mon avis. J’ai programmé un film de Moustapha Darkaoui au FESPACO classique. C’est une section remarquable en termes d’histoire du cinéma. À Ouaga, il y a eu un problème… Si on aime le cinéma, on a le respect et l’amour des anciens et donc on donne à voir ces films dans des meilleures conditions possibles, c’est-à-dire dans une salle de cinéma. Après, la critique est facile, l’art est difficile. J’ai beaucoup de respect pour le nouveau délégué général du FESPACO, Alex Moussa Sawadogo que je soutiens énormément dans sa démarche. Les problèmes que j’ai vu au FESPACO, je les impute à des habitudes de lourdeur structurelles en termes d’équipes et de permanents.
Salimata Ba (Réalisatrice-Mauritanie) : « Ma première participation au FESPACO »
J’ai assisté au FESPACO pour la toute première fois. C’est un rendez-vous assez important dans le monde du cinéma. Pour une première participation, ce fut de bons moments de partage, d’échanges avec la diaspora, les jeunes qui sont dans le métier et qu’on n’a pas forcément la chance de rencontrer. Le FESPACO a donc été un vrai rendez-vous de rencontres. Le programme était chargé, malgré tout il nous a donné l’occasion de voir des films produits par des Africains, en Afrique. Je félicite ceux qui ont été primés. Je promets d’être là pour la prochaine édition en février 2023.
Propos recueillis à Ouagadougou par GFY, paru dans le Diasporas-News n°130 Novembre 2021