samedi, avril 20, 2024
AccueilPolitiqueReckya Madougou, Des certitudes à la geôle

Reckya Madougou, Des certitudes à la geôle

À elle seule, Reckya Madougou aura bousculé les habitudes, à la veille du scrutin présidentiel au Bénin. Celle qui s’estime le chantre d’un nouveau mode de gouvernance politique aux antipodes de celui instauré depuis cinq ans par Patrice Talon finira en prison, accusée de saper la tenue de l’élection présidentielle dont elle a été exclue pour défaut de parrainage. Retour sur le parcours d’une figure iconoclaste de la nouvelle classe politique…

Reckya  Madougou, à l’instar de Me Marie-Elise Gbèdo, première femme candidate à une élection présidentielle au Bénin, nourrit l’ambition de présider aux destinées de son pays. Contrairement à son aînée, défenseure de la veuve et de l’orphelin, elle n’aura pas l’occasion de participer au scrutin présidentiel annoncé pour le 11 avril 2021. Elle a été arrêtée dans son élan par une affaire de tentative de déstabilisation de son pays dont l’accable le régime de Patrice Talon et jetée en prison depuis le 5 mars 2021. Si déjà elle dénonce à travers ses avocats un prétexte du pouvoir en place pour l’écarter définitivement de la course à la présidence de la République, après en avoir été exclue pour défaut de parrainage d’élus, Reckya Madougou n’abdique pas et mise sur son entregent pour s’extirper de la geôle et retrouver sa liberté. Ce que le régime botte en touche, sûr de tenir celle dont les agissements compromettraient, selon ses dires, la quiétude nationale. Aussi bien les dénonciations de ses avocats que ses alertes à l’endroit des chancelleries occidentales et de la communauté internationale n’auront, pour l’instant, suffi à sa libération.

Candidate inattendue du parti « Les démocrates » de l’ancien président de la République Boni Yayi, l’experte internationale en finance inclusive et mécanismes de développement a tôt fait d’annoncer ce qui devrait être son antienne au cours de la présidentielle. La sauvegarde des acquis démocratiques du pays avec en prime, plus de liberté d’expression et de dialogue politique pour favoriser la pleine participation des partis à la gestion des affaires, sans exclusion. Dénonçant une crise de confiance entre les citoyens et leurs mandataires que sont les élus.

Allure altière, regard bravant, la quadragénaire n’a pas mis du temps à bousculer les habitudes. Quoique son discours paraisse peu dissonant de celui des autres candidats recalés par la Commission électorale nationale autonome (Cena) ayant à charge l’organisation des élections au Bénin pour défaut de parrainage ou autres raisons, il est à reconnaître son caractère belliqueux et défiant. « On ne peut dire qu’on veut améliorer un processus en le faisant reculer et finalement en se retrouvant face à un mur. S’ils ne peuvent l’améliorer, qu’ils laissent notre démocratie en l’état où ils l’ont trouvée », lance-t-elle, telle une boutade aux dirigeants.

Une posture qui n’est pas sans rappeler la campagne citoyenne ‘’Touche pas à ma Constitution’’ qu’elle a menée à la tête des Organisations de la Société civile de son pays entre 2004 et 2006 dans le dessein d’empêcher le chef de l’Etat d’alors, Mathieu Kérékou, de procéder à la révision de la Constitution béninoise pour se maintenir au pouvoir. Une initiative qui va révéler cette figure anonyme à ses concitoyens. Son courage et cette prise de parole seront salués et lui font valoir le prestigieux « Woman of courage Award » du gouvernement américain en 2007 (Département d’État). 

Un déclic dans l’engagement citoyen pour la promotion de la gouvernance démocratique. 

La hargne d’y arriver

Nommée au gouvernement en 2008, elle s’y illustrera pendant cinq ans au poste de ministre chargée de la Microfinance, de la Jeunesse et de l’Emploi des femmes, en autonomisant deux millions de bénéficiaires issus de diverses catégories socioprofessionnelles. Sans non plus démériter avec son portefeuille de Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme, porte-parole du gouvernement.

Défenseure de l’inclusion économique et sociale, ses mérites la conduiront à aider plusieurs pays africains à développer des instruments spéciaux dédiés au financement agricole, à l’emploi des jeunes, à l’autonomisation des femmes et à l’inclusion financière.

Atteindre l’universalisme en matière de développement humain et de progrès social devient donc, selon elle, impératif pour amoindrir les violences et éviter les risques de conflits et certains fléaux naissant du désespoir.

Faure Gnassingbé, chef de l’Etat togolais, fera d’elle son conseiller spécial dans le domaine qui est désormais le sien.

Désignée, en 2015, ambassadrice Unitlife pour l’Afrique lors des Assemblées Générales des Nations Unies, avec pour objectif de promouvoir des financements innovants pour la lutte contre la malnutrition dans les pays africains, elle sera par ailleurs distinguée par le magazine panafricain Jeune Afrique qui la classe parmi les 50 Africains les plus influents du monde en 2016. La même année, elle a été nommée parmi les 100 personnalités africaines les plus influentes par Afrique Magazine.

Affectionnant tout autant la défense des droits de l’homme, notamment ceux de la femme et engagée à éliminer définitivement les inégalités historiques et structurelles qui favorisent impunément les discriminations basées sur le genre, elle entend voir le leadership féminin s’épanouir.

La hargne chevillée au corps, celle qui a fait de la parole son combat et n’a connu que réussite dans ses initiatives, forte de ses convictions et certitudes, attend les portes du pénitencier s’ouvrir pour lui rendre définitivement sa liberté.

Kokouvi EKLOU, paru dans le Diasporas-News n°124 d’Avril 2021

RELATED ARTICLES

Most Popular

Recent Comments