Censée devenir l’espace commercial le plus peuplé du monde à compter de janvier, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlec) est une réalité encore lointaine, selon Jakkie Cilliers, expert sud-africain à l’Institut d’études sur la sécurité à Pretoria.
« Ca va prendre du temps », met en garde le chercheur. Actuellement, seulement 16% des échanges commerciaux du continent se font entre pays africains. L’ambition de la Zlec est de faire passer ces échanges à 60% d’ici 2034 entre les 55 pays membres de l’Union africaine, qui représentent 1,2 milliard de personnes.
Le lancement des échanges commerciaux dans ce cadre, retardé en raison de la crise du Covid-19 et d’âpres négociations entre les pays signataires sur la suppression des droits de douane, est prévu en janvier.
Mais l’application effective du principe de libre-échange à l’échelle du continent prendra « plusieurs années », selon Jakkie Cillers: « de nombreux points sur les droits de douanes sont encore en négociations entre les différents pays ».
L’idée est que l’accord, déjà ratifié par 34 Etats, soit opérationnel « d’ici 2034 avec la suppression d’environ 97% des taxes douanières ».
Rassembler les marchés d’une cinquantaine de pays, à des niveaux de développement différents sur le continent le plus pauvre du monde, ne se fera pas en un coup de baguette magique, explique M. Cilliers.
– Sortir du « modèle colonial » –
Tout d’abord, « les 55 membres de l’Union africaine n’ont pas tous ratifié l’accord, mais tous les pays clés l’ont fait dont le Nigeria », premier marché d’Afrique avec quelque 200 millions d’habitants.
Mais « les négociations commerciales sont extrêmement complexes car chaque accord sur les taxes douanières doit être négocié » entre pays membres.
Ensuite, il faut résoudre la question des rapports entre la nouvelle Zlec et les huit Communautés économiques régionales (CER) existantes.
Les accords commerciaux signés avec l’Europe, la Chine et les États-Unis sont encore un autre obstacle à surmonter. En juillet, les États-Unis ont par exemple ouvert des négociations avec le Kenya.
Enfin, « la corruption dans certains gouvernements, la lourdeur de l’administration et le manque de moyens seront un défi pour la mise en œuvre » du projet, soutenu par l’Union africaine, souligne M. Cilliers.
L’Afrique « est restée prise au piège d’un modèle économique colonial », selon le secrétaire général de la Zlec, Wamkele Mene. Pour en sortir, elle doit mettre en œuvre presque « de manière agressive » le nouvel accord.
L’économie du continent ne pèse que 3% de l’économie mondiale et est en outre morcelée entre 55 systèmes économiques différents ce qui constitue un « énorme frein » à la croissance du continent, estime M. Cilliers.
Avec cet accord, « l’idée est de construire des relations à l’échelle régionale et permettre aux Africains d’échanger des produits de base, mais aussi davantage de produits à valeur ajoutée », explique-t-il.
Si elle atteint ses objectifs, la Zlec permettra de sortir 70 millions d’Africains de la pauvreté et 30 millions d’une situation d’extrême pauvreté d’ici 2035, selon la Banque mondiale.