Les Ivoiriens attendaient dimanche dans une ambiance tendue les résultats de l’élection présidentielle, notamment le taux de participation, au lendemain d’un scrutin boycotté par l’opposition et marqué par des violences qui ont fait au moins deux morts.
Le bilan total des violences qui ont été nombreuses dans la moitié sud du pays n’était pas connu dans l’immédiat mais l’opposition comme le pouvoir ont évoqué des « morts ».
De source sécuritaire, il y a au moins deux morts « un à Oumé (260 km au nord-ouest d’Abidjan) et au moins un à Tiebissou (centre) ». Le maire de Tiebissou, Germain N’Dri Koffi a quant à lui fait état d’un bilan de « 4 morts et 27 blessés » dans sa commune.
Quelque 35.000 membres des forces de l’ordre avaient été déployés dans le pays.
Avant le scrutin, une trentaine de personnes étaient mortes dans des violences depuis l’annonce en août de la candidature du président Ouattara à un troisième mandat que l’opposition juge « anticonstitutionnel ».
A Abidjan, les gens sortaient pour faire des courses, aller à l’église, et même faire du sport. « Il faut bien vivre. On ne travaille pas », souligne Tidiane, un habitant du quartier populaire de Marcory.
Alassane Ouattara, 78 ans, qui devrait s’imposer dès le premier tour en raison du boycott de l’opposition, a appelé au calme samedi : « J’en appelle à ceux qui ont lancé un mot d’ordre de désobéissance civile qui a conduit à des morts d’hommes : qu’ils arrêtent!. Je dis aux jeunes de ne pas se laisser manipuler ».
Le dépouillement était terminé dimanche matin dans la plupart des bureaux et les résultats étaient en train d’être acheminés vers la Commission électorale indépendante (CEI), qui a cinq jours pour annoncer les résultats.
Sans surprise, alors que l’opposition avait appelé au boycott, les chiffres provenant du Nord, traditionnellement favorable à Alassane Ouattara, lui donnent une victoire écrasante avec une forte participation, alors que dans les zones de l’opposition de nombreux bureaux ont été saccagés ou tout simplement n’ont pas ouvert.
Ainsi, dans le bureau de vote 3 du groupe scolaire Korhogo-Est (Nord), le dépouillement donne 405 votants sur 408 inscrits, avec 402 bulletins favorables à Ouattara et 3 nuls, soit un score… de 99,26% de participation et de 100% des voix pour M. Ouattara, a constaté un journaliste de l’AFP.
– « Gouvernement de transition » de l’opposition ? –
La situation est tout autre dans le Sud. A Daoukro (centre-est), fief de l’opposant et ancien président Henri Konan Bédie, aucun électeur n’a pu voter et les barrages érigés la veille étaient encore en place dimanche, ont constaté des journalistes de l’AFP. C’était le cas dans de nombreuses autres villes du pays, selon des habitants.
Un des principaux responsables du parti au pouvoir, Adama Bictogo, a néanmoins estimé que « le 31 octobre n’a pas été une journée de déluge, comme l’avait prédit l’opposition ».
« Ce coup d’Etat électoral a été un échec. Le peuple ivoirien à réussi à faire échec à cette élection », a lancé de son côté le porte-parole de l’opposition Pascal Affi N’Guessan, parlant de « deuil national ».
Selon plusieurs de ses membres, l’opposition qui a donné rendez-vous à la presse dimanche, prépare un « gouvernement de transition ».
L’ancien chef rebelle et ex-Premier ministre Guillaume Soro a, depuis son exil européen, affirmé ne plus reconnaître le président Ouattara, appelant à « oeuvrer » à son départ. « Je saisis la pertinence d’un gouvernement de transition », a-t-il dit.
L’ancien ministre Abdallah Mabri Toikeusse, qui a quitté la coalition présidentielle avant le scrutin, a lui appelé au « maintien de la mobilisation dans les villes et villages ».
Cette tension chez le premier producteur mondial de cacao, fait craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques jihadistes incessantes au Sahel, par un putsch au Mali, une élection contestée en Guinée et une contestation politique chez le géant voisin nigérian.
Des milliers d’Ivoiriens avaient quitté les grandes villes pour « aller au village », anticipant des troubles, dix ans après la crise qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3.000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo, qui était au pouvoir depuis 2000, de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.