De son président au simple citoyen, l’Afrique du Sud a rendu hommage mercredi à son « Zoulou blanc », le chanteur Johnny Clegg décédé à 66 ans, en louant son rôle dans la lutte contre l’apartheid et la réconciliation entre les races.
« Une voix adorée, source d’inspiration et héroïque s’est tue et nous prive d’un compatriote exceptionnel et d’une icône de la cohésion sociale et de l’antiracisme », a salué avec emphase le chef de l’Etat, Cyril Ramaphosa. « Johnny Clegg vivra toujours dans nos cœurs et dans nos foyers ».
Johnny Clegg est décédé mardi à son domicile de Johannesburg des suites d’un cancer du pancréas.
Né en Grande-Bretagne, Johnny Clegg avait puisé dans la culture zoulou son inspiration pour concevoir une musique mêlant rythmes africains et pop occidentale, défiant ouvertement le régime de l’apartheid.
Son album « Scatterlings of Africa » en 1982 l’avait propulsé en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et en France.
Un de ses plus grands tubes planétaires, « Asimbonanga » (« Nous ne l’avons pas vu », en langue zoulou), est dédié à Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid.
La Fondation qui perpétue l’héritage du premier président noir du pays a rendu hommage mercredi à « l’icône de la musique et au combattant de la liberté ». « Nous continuerons à chanter Asimbonanga et nous continuerons à œuvrer pour le pays de ses rêves », a-t-elle écrit sur son compte Twitter.
« Il était juste un don de Dieu », a renchéri, ému, Sipho Mchunu, avec lequel Johnny Clegg avait fondé, à 17 ans, son premier groupe baptisé « Juluka ». « Il était plus qu’un frère (…), j’ai le cœur brisé », a ajouté le musicien sur la radio d’information 702.
– « Un exemple pour le pays » –
De nombreux Sud-Africains ont joint leur voix à ces hommages, dans un pays toujours agité de vives tensions raciales un quart de siècle après la chute du régime raciste blanc.
« Si vous pensez que Johnny Clegg était juste un gars blanc qui parlait zoulou, vous n’avez rien compris à ce qu’il a fait pour la culture et à toutes les portes qu’il a ouvertes aux artistes », a tweeté l’un de ses admirateurs, Thabane Ndamase-Thabethe.
« Il est d’abord et surtout tragique de perdre un tel artiste et un tel exemple pour notre pays », a réagi à l’AFP un musicien du Cap, Stefan Ehrenreich, « son style de musique qui mélangeait les races et les cultures était absolument unique ».
« Sa musique traversait les cultures (…), il a été arrêté à plusieurs reprises », a également rappelé à l’AFP un homme d’affaires de la même ville du Cap, Andre Ford, « mais cela ne l’a pas empêché de continuer et de faire tomber les barrières de l’apartheid ».
Les hommages au « Zoulou blanc » se sont élargis à tout le continent africain et en Europe.
La star sénégalaise Youssou N’Dour qui, comme lui, a ouvert la pop internationale aux sonorités africaines, a ainsi rappelé qu’il avait « marqué à jamais le monde par sa lutte anti-apartheid très audacieuse ». « Nous lui serons éternellement reconnaissants pour sa chanson Asimbonanga », a-t-il ajouté.
Moussa Soumbounou, le directeur général de Universal Music Africa, a salué « l’un des symboles de la réconciliation post-apartheid en Afrique du Sud ». « Au-delà de l’immense talent qui était le sien, il a cristallisé et accompagné la sortie de cette période délicate de l’histoire africaine ».
« Quelle tristesse… une part de nos combats et de nos engagements de jeunesse s’en vont avec lui », a tweeté pour sa part l’ex-Premier ministre socialiste français Manuel Valls.
Un hommage public à l’artiste doit être organisé en Afrique du Sud à une date à préciser, a fait savoir son manager Roddy Quin. Ses obsèques seront elles célébrées dans la plus stricte intimité.