jeudi, avril 25, 2024
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Mali : place aux élections présidentielles

Mali : place aux élections présidentielles
Le 28 juillet et le 11 août pour un éventuel second tour ; telles sont les dates de convocation du corps électoral décidé par le conseil des ministres du 27 mai dernier. Encore une fois, la souveraineté malienne a pris un coup un petit coup de canif de la part du citoyen d’honneur de la ville de Tombouctou François Hollande. Seul chef d’Etat européen à avoir été convié pour souffler les 50 bougies de l’Union Africaine à Addis-Abeba, il a déclaré lors de son allocution que : « Les élections présidentielles devront avoir lieu le 28 juillet prochain ; y compris à Kidal ». Sauf que ce discours avait été prononcé la veille de la décision du conseil des ministres de Bamako. De là à le considérer comme un proconsul, c’est un pas que des millions de citoyens africains n’ont pas hésité à franchir. L’agenda du gouvernement malien devrait dorénavant anticiper cet ordre de préséance pour éviter ce sentiment d’humiliation. Car le jour même de l’annonce de cette convocation des électeurs, les ministres des Affaires Etrangères européens, réunis à Bruxelles, se sont fendus du communiqué suivant : « Il est de la plus haute importance que les conditions soient réunies pour le rétablissement de l’administration d’Etat sur l’ensemble du territoire malien et pour la tenue d’élections y compris dans la région de Kidal ainsi que dans les camps de réfugiés ». Et la déclaration du président Diacounda Traoré le lendemain semble être dictée de Paris ou de Bruxelles. En effet, il a tenu à affirmer mais avec 48 heures de retard que « l’armée doit être à Kidal avant le premier tour de l’élection présidentielle ». Certes, sans l’intervention de la France la situation aurait dégénéré ; l’EUTM – le contingent européen – s’est engagé à remettre sur pied l’armée malienne et surtout que 2 milliards €uros (cf : paragraphe plus bas) ont été récoltés pour contribuer à redresser durablement le Mali. Pour autant, la façon de présenter les choses peuvent en modifier la perception des gens selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre de la Méditerranée.
 
Kidal ou le nœud gordien
Administrativement, elle est la 8ème région du Mali. Pour les touaregs, la ville de Kidal est leur capitale ; tout un symbole lorsqu’on a mené une conquête vers le Sud et que maintenant les combattants du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) ont dû se replier dans ce corridor sous la protection bienveillante des soldats de l’opération Serval. Pour l’armée malienne, cette région recouvre également un symbole. Sa reconquête lavera l’affront subi lorsqu’une centaine de soldats ont été atrocement exécutés sans autre forme de procès à Aguelhok en décembre 2012. Rappelons que le MNLA ne représente que 5% de la population touarègue. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne fait pas l’unanimité au sein de cette communauté. Sa collusion avec Ansar dine et AQMI, pour revendiquer l’autonomie de l’Azawad, est considérée comme une aventure cavalière dont le mouvement doit assumer seul sa responsabilité. Le seul moyen de négociation qu’il lui reste aujourd’hui est l’occupation de Kidal avec les armes à la main.
Combien de temps le MNLA serait-il capable de tenir avant de céder ? Car le temps ne joue pas en sa faveur. Entraver les élections ou les empêcher de se dérouler sur l’ensemble du territoire lui priverait du soutien de la France et de la communauté internationale dans la phase de négociation et de réconciliation nationale censée se tenir après les scrutins. Alors que Bamako garde une ligne radicale comme l’a encore récemment affirmé le ministre des Affaires Etrangères Tiéman Coulibaly : « le Mali rejette la proposition du MNLA de permettre la tenue des élections présidentielles à Kidal sans la présence de l’armée ». Le gouvernement malien considère toujours le MNLA comme un mouvement terroriste.
La plateforme « Kel-tamsheks »
Au mois d’avril dernier, un mouvement touareg fut créé. Cette plateforme d’intellectuels originaires du Nord-Mali « entendait se poser comme une alternative aux indépendantistes du MNLA ». Elle a offert ses services pour amener son expertise au sein de la Commission de dialogue et réconciliation. L’un des fondateurs n’est autre que le député de la région de Menaka Bajan Ag Hamatou. Mais ce mouvement est parti avec deux handicaps qui ont limité son efficacité et sa portée. D’une part, l’absence de cadres natifs des Ifoghas – la caste des aristocrates chez les touaregs – qui détiennent l’autorité morale et dont est traditionnellement issu le chef de la ville de Kidal. D’autre part, de par la composition même de ses membres, un fort soupçon d’instrumentalisation orchestrée par les autorités maliennes handicapait cette initiative.
 
La médiation du Burkina Faso  
 
Quelque peu éclipsée par l’opération « Serval », la médiation du président Blaise Compaoré se remet en selle. Pourtant, elle est loin d’être la première tentative de réconciliation de la partie sud du pays avec sa partie septentrionale. Depuis le début du mois de mai, l’ancien diplomate Tiébilé Dramé est à pied d’œuvre à Ouagadougou, au palais présidentiel de Kosyam. Son interlocuteur principal est le ministre des Affaires Etrangères Djibrill Bassolé qui sert d’interface avec les représentants des touaregs de l’Azawad.
 
 
Le président nigérien Issoufou Mahamadou a fait un premier galop d’essai le 25 mai dernier. Il a d’abord reçu l’émissaire du président Diacounda Traoré pour le Nord-Mali ; il s’agit toujours de l’inamovible Tiébilé Dramé. Ensuite, ce fut le tour de la délégation du Haut Conseil de l’Unité de l’Azawad (HCUA) emmenée par son secrétaire général Mohamed Ag Intalla. Le HCUA est une organisation née de la volonté des groupes armés touaregs – principalement le MNLA et le MIA – pour mieux pondérer leur pouvoir de négociation.
Ce sont les mêmes délégations qui se sont réunies au Burkina Faso avec le camp d’en face pour tenter de désenclaver la ville de Kidal.
Ces différentes tractations à marche forcée avant les élections préludent de l’enjeu politique futur : décentralisation ou partition ? La question de l’autonomie revendiquée par les touaregs et l’intérêt bien compris de Bamako de préserver l’unité territoriale (le Nord représentant 2/3 de sa superficie totale) ne pourront pas être laissés en suspens. Cette précipitation tient lieu d’une injonction de la communauté internationale qui perçoit le problème que par le petit bout de la lorgnette : restaurer coute que coute l’ordre constitutionnel ; étape indispensable avant la stabilisation et la relance économique.
 
Que devient la MINUSMA ?
Début mai, La CEDEAO sort un communiqué : « le commandement de la Mission Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (MINUSMA) devrait re
venir à un ouest-africain en reconnaissance des bons résultats de la région 
». Des résultats ? Oui ! « Les forces armées de la région se sont acquittées honorablement de leur mission dans plusieurs crises… Et remporteront le même succès avec la MINUSMA » renchérissait la dépêche. Le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki Moon, débordé sans doute par les problèmes de l’Est du continent – il était en tournée dans la région des Grands Lacs – n’a pas dû avoir eu le temps de lire cette revendication de l’organisation sous-régionale. Sinon comment a-t-il pu confirmer la nomination, le 17 mai dernier, de l’ancien ministre néerlandais de la Coopération. Albert Gérard Koenders comme Représentant spécial et chef de la MINUSMA ? « Bert » est une figure connue des chefs d’Etat ouest-africains ; il était le chef de mission de l’ONUCI pendant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. La promesse de participation et d’offre de service s’étoffe de plus en plus en attendant le début officiel de son mandat : le 1er juillet : 1.800 hommes pour la Mauritanie dont 400 sont déjà opérationnels, 500 pour la Chine. Même l’Afrique du Sud serait prête à envoyer un bataillon pour compléter le dispositif de 12.600 hommes. Le périmètre de la Mission a été défini par la résolution onusienne n°2100. Quel contingent de casques bleus aura la lourde de tâche de pacifier Kidal pour la bonne tenue des élections présidentielles ?
Cette présence militaire risque de provoquer une gangrène dans la sous-région dans la mesure où les islamistes iront sévir, dans un pays limitrophe ; un maillon faible. Votre serviteur milite toujours pour la recherche de solution globale au niveau du Sahel. La menace terroriste plane désormais sur le Tchad. La ville Agadez et le site d’uranium d’Areva (groupe nucléaire français) à Arlit venaient de subir récemment deux attaques kamikazes revendiquées par les « signataires du sang », une katiba dirigée par Mokhtar Belmokhtar. Donné pour mort par les soldats tchadiens dans les Ifoghas, ce dernier réapparaît deux mois plus tard. La légende est en marche comme pour le tristement célèbre Abou Moussab Al-Zarqaoui et son don d’ubiquité. Il sévissait en Irak vers les années 2005, et on ne savait pas s’il s’agissait d’un même individu qui se battait tantôt à Bagdad ou à Falloujah ; ou qu’il est mort ou vivant ?
 
Le deuxième malithon
Vous aviez aimé le Malithon de janvier dernier, vous allez adorer « Ensemble pour le renouveau du Mali » En effet, en marge de l’Assemblée Générale des chefs d’Etat de l’UA de janvier dernier à Addis Abeba, la planète entière (UA, UE, le Japon, les Etats-Unis, l’ONU) – s’est mobilisée en vue de collecter 460 millions USD pour financer les opérations militaires de la MISMA contre les djihadistes et contribuer à la stabilisation humanitaire du pays.
Cette fois-ci, les grandes institutions internationales et les pays donateurs – au total 108 pays et institutions – se sont donné rendez-vous à Bruxelles, le 15 mai dernier. Le premier ministre Django Cissoko avait planché sur un Plan d’Actions Prioritaires d’Urgence (PAPU 2073-2014) et un autre Plan de Relance Durable pour un total de 4,35 milliards USD. Il s’agit d’un programme de relance destiné à la réhabilitation des infrastructures, la remise sur pied de l’armée et de la réinsertion économique de la population. La conférence des donateurs de Bruxelles avait pour objectif de trouver un budget complémentaire pour couvrir l’impasse de financement, estimé à 30% ; les deux-tiers pourront être financées par le Mali. Les organisateurs de la tontine (le Mali, la France et l’UE) espéraient récolter 1,96 milliards USD. Quelle ne fut leur surprise lorsque le compteur affichait en fin de journée 3,25 milliards USD.
La crise financière plombe l’économie mondiale depuis maintenant cinq ans. Chaque pays industrialisé la subit de plein fouet et pressurise sa population pour essayer de réduire leur déficit colossal, principal frein me semble-t-il à la redynamisation de leurs économies. Et l’homme blanc, par un élan de solidarité, vole au secours du Mali. Ces milliards de dollars que l’on annonce à la cantonade sont-ils réellement décaissés ? D’où vient cette manne financière intarissable si ces Etats se déclarent tous en quasi-faillite ? Cela se traduira-t-il par l’amélioration de la vie quotidienne dans les prochaines années de Cissé de Tombouctou ou Salimata de Gao ? Le scepticisme reste de mise lorsqu’on sait que plus 500.000 personnes ont quitté leur domicile depuis l’insurrection touareg de décembre 2012 et l’effondrement de l’économie provoqué par cette guerre a déjà enfoncé le pays dans une récession.
Alex ZAKA

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