vendredi, mars 29, 2024
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Guinée Equatoriale : refonte des institutions

Guinée Equatoriale : refonte des institutions
 
L’omnibus électoral : législatif, sénatorial, municipal…
 
Le 26 mai dernier, quelques 300.000 citoyens équato-guinéens sont allés remplir leur devoir électoral. Se sont-ils déplacés par civisme ou par conviction ? Cette date a été le fruit d’une concertation entre une dizaine de partis politiques et le ministre de l’Intérieur. L’omnibus électoral était avant tout l’occasion de renouveler les têtes à l’Assemblée Nationale. Même si la majorité présidentielle c’est-à-dire le principal parti – Parti Démocratique de Guinée Equatoriale (PDGE) – et ses satellites détiennent 99 sièges sur 100 de l’hémicycle pendant la dernière législature !
Elle fût l’occasion pour le gouvernement de mettre en place les institutions prévues par la refonte de la Constitution. Le projet gouvernemental a été soumis le mois de juillet 2011 au parlement et fut adopté par référendum en novembre de la même année. Ainsi verront bientôt le jour, les différentes instances de contrôle de l’Etat et qui seront censées servir de contre-pouvoir : Cour des comptes, Conseil économique et social, Cour suprême de pouvoir judiciaire. Et surtout, la Guinée Equatoriale va se doter d’un sénat et qu’un poste de vice-président devra être aussi créé.
Cette reforme constitutionnelle apporte quelques aménagements sur les pouvoirs du président de la République ; notamment sur le nombre de mandats : il sera réduit à deux septennats consécutifs.
Ces amendements s’inscrivaient dans la volonté du président Teodoro Obiang Nguema de se conformer à la Charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance dont les principes remontent à la renaissance de l’Union Africaine (UA) en 2002. Promotion, protection de l’indépendance de la justice, renforcement de la bonne gouvernance, séparation des pouvoirs sont des vertus cardinales que chaque Etat membre se devait de faire sienne. En 2011, les circonstances ont quelques peu contraint l’hôte du sommet de l’UA de respecter ladite Charte. D’autant plus qu’il fut ensuite désigné président tournant de l’organisation continentale pendant un an. Rappelons également qu’à cette époque, l’espoir des peuples du Maghreb et du Moyen-Orient fut entretenu par le printemps arabe et l’hécatombe de plusieurs de despotes qu’il a entrainés. Les chefs d’Etat africains redoutaient une contagion vers le Sahel. Ils ont essayé d’anticiper en acceptant d’instiller quelques aménagements de leur Constitution.
Sur le papier, le vent du changement souffle désormais sur la Guinée Equatoriale. Or ce scrutin permet à l’évidence au président Teodoro Obiang Nguema d’asseoir définitivement son pouvoir. Car il lui revient de nommer son vice-président, qui selon la nouvelle Constitution le remplacera en cas de vacances du pouvoir. En d’autres termes, le dauphin sera d’ores et déjà désigné si le chef de l’Etat venait à se retirer ou ne serait plus en mesure d’assumer la fonction suprême.
 
Teodoro Nguema Obiang Mangue (alias Teodorin) ou le petit Teodoro) semble tout indiquer pour assurer la postérité de la dynastie Obiang. Les casseroles judiciaires pour abus de biens sociaux inhérents à son train de vie très ostentatoire en France et aux Etats-Unis entraveraient-elles son dessein ou le passage du flambeau ? Pour l’homme qui peut s’enorgueillir d’avoir été réélu, par cinq fois depuis son accession au pouvoir en 1979, à plus de 95% de voix, nul doute qu’il pourra bénéficier d’une retraite confortable de sénateur à vie avec l’immunité parlementaire qui sied à cette fonction.
 
Une opposition muselée
 
Le PDGE domine outrageusement l’espace politique du pays avec ses 99 députés godillots dans une chambre qui en compte 100. Le projet de changement de Constitution est passé comme une lettre à la poste lors de sa lecture sans débats contradictoires à l’Assemblée Nationale en juillet 2011. Les partis d’opposition n’ont malheureusement pu obtenir à temps le texte avant l’ouverture de la campagne du référendum c’est-à-dire le 27 octobre 2011.
Mais pourquoi ces partis ont-ils accepté de participer aux élections du 26 mai dernier ? Les manœuvres d’intimidation – harcèlement et arrestation – de ceux qui se sont opposés au référendum ne les sont pas encore dissuadé. Les dernières semaines qui précédaient les élections, une manifestation contre le régime s’est soldée par un coup de filet de la police : quinze membres de l’opposition sont encore aujourd’hui en détention.
L’inaccessibilité aux médias, dont la plupart sont contrôlés par la famille Obiang, le manque de moyens financiers font que l’opposition est inaudible. La résistance des exilés et de la diaspora n’ont qu’une portée limitée même s’ils ont accès à internet. Combien de personnes peuvent se permettre d’avoir une connexion ? Puis comme par hasard, quelques jours avant les dernières élections, les réseaux sociaux (Facebook, twitter) ont été coupés. Les sites des partis d’opposition ont été contaminés par un virus informatique intelligent qui oriente directement le surfeur sur le site du PDGE – le parti du Président – alors qu’il a cliqué sur l’adresse de Convergence Pour la Démocratie Sociale (CPDS), principal parti d’opposition.
 
Le pouvoir magique du pétrole
 
500.000 barils/jour en 2012, cette production hisse la Guinée équatoriale au troisième rang de pays producteurs du continent. La recette générée par cette manne attire, non seulement les majors de l’industrie pétrolière et gazière de toute la planète, mais aussi tous les investisseurs susceptibles de vendre de la technologie ou des infrastructures routières ou de BTP voire même la finance à ce pays béni de Dieu.
 
Les ONG internationales dénoncent les faits de corruption et de détournement de fonds du clan Obiang. La justice française, espagnole et étasunienne traquent, essayent d’endiguer une partie du revenu du pétrole que le Président et ses proches auraient indûment détourné. Mais le lobbying que de grands groupes industriels de ces pays exercent auprès de leur gouvernement finit toujours par triompher. Le président Teodoro Obiang a déjà plusieurs fois menacé les entreprises françaises d’expulsion face à l’acharnement de la justice française sur son fils Teodorin. Les Etats-Unis ont adopté une attitude qui frise la schizophrénie ; D’après le site Slate Afrique : « le département de la Justice s’en prend aux biens mal acquis des dirigeants équato-guinéens tandis que le département d’Etat organise des colloques pour redorer l’image de la Guinée-Equatoriale ». Ainsi le président Teodoro Obiang a plusieurs fois honoré de sa présence des conférences à Washington avec la participation de fondations ou d’institutions luttant pour les droits de l’Homme. Et en présence même du sous-secrétaire aux Affaires Africaines du département d’Etat, monsieur Johnnie Carson.
 
D’une superficie de 28.000 km², la particularité de ce pays d
écoule de son passé colonial : une île Bioko (2.000 km²) où se trouve la capitale administrative Malabo et le territoire sur le continent appelé Rio Muni (26.000 km²) avec Bata comme centre économique. Et géographiquement, Bioko est distante de plus de 300 km de la partie continentale. Essentiellement à vocation agricole au lendemain de son indépendance en 1968, la production de cacao de cette ancienne possession espagnole décline au fur et à mesure du durcissement, du régime du président Francisco Macias Nguema. La découverte de gisement off-shore dans le golfe de Guinée au début des années 1990 suscite un regain d’intérêt pour ce pays et la région. Grâce à la possibilité pour un Etat d’élargir son espace maritime par la mise en place de Zone Economique Exclusive (ZEE), la Guinée Equatoriale bénéficie aujourd’hui d’une superficie territoriale de plus 320.000 km² grâce de précieuses aides juridiques de grands groupes internationaux. Ce qui fatalement empiète sur les champs pétrolifères des voisins comme le Cameroun et le Nigéria. La décision de la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye délimite les frontières actuelles après les différends provoqués par cette querelle de voisinage. Selon Jean Rieucau (Cahier de l’Outre-mer) malgré un arrêt de la CIJ portant sur une Zone d’Exploitation Conjointe (2002), « la zone comprise entre la péninsule de Bakassi et l’île de Bioko risquera de provoquer à terme un contentieux entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale ».
 
 
Alex ZAKA

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