jeudi, avril 25, 2024
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Réfugié au Cameroun, un Nigérian dénonce les "exactions" de l'armée dans son pays

Réfugié au Cameroun, un Nigérian dénonce les
« L’armée (nigériane) doit cesser les exactions. Boko Haram doit cesser de faire ce qu’il fait. Les deux parties ont détruit le pays », enrage Ali Elhadji, riche commerçant nigérian réfugié au Cameroun pour fuir les violences qui secouent son pays. 
Ali Elhadji, 56 ans, a fait fortune dans le commerce à Bama, dans le nord-est du Nigeria, où il s’est installé il y a près de trente ans. Le 16 mai, au lendemain du début d’une vaste offensive menée par l’armée nigériane contre les insurgés islamistes de Boko Haram, il a tout abandonné pour rejoindre Gancé, le village camerounais de ses parents.
Ici comme dans d’autres villages de la zone frontalière de Kolofata, l’action de l’armée nigériane a eu pour conséquence « une arrivée massive de gens », explique à l’AFP Seiny Boukar Lamine, sultan de Kolofata, un chef coutumier local.
Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) sillonne l’extrême-nord camerounais à la rencontre des réfugiés depuis plusieurs jours déjà, selon une autorité administrative de la région.
D’après le sultan, le nombre total de réfugiés dans la région ces derniers jours est « difficile à quantifier », certains préférant se rendre directement dans leurs familles. C’est le cas de M. Elhadji, arrivé avec quelques 80 personnes à bord de ses deux véhicules.
Le commerçant est l’un des rares à accepter d’évoquer les violences qui se sont déroulées sous ses yeux. La plupart des autres réfugiés observent un mutisme total, de peur de subir à leur tour les foudres des insurgés et des militaires nigérians.
Située à une centaine de kilomètres de Maiduguri, fief de Boko Haram, la ville de Bama a la triste réputation d’héberger de nombreux jeunes recrues de cette secte.
« Les gens de Boko Haram ont fait beaucoup d’attaques à Bama. Lorsqu’ils tuent, ils ne font pas de distinction entre musulmans et chrétiens. Il s’en prennent aussi beaucoup aux militaires et aux policiers », raconte M. Elhadji.
Mais il y a un mois, l’armée a décidé d’intervenir pour mettre de l’ordre à Bama. « Les militaires sont arrivés dans la ville et ont commencé à sillonner les routes. Chemin faisant, ils tuaient tous ceux qui paraissaient jeunes et qu’ils croisaient dans les rues (…) ils ont tué beaucoup d’innocents », accuse-t-il.
« Ca nous fait du mal d’être assimilés à des Boko Haram. L’armée ne faisait plus de distinction: tous les jeunes étaient à abattre », affirme également Bakoura, 25 ans, qui vient lui aussi de Bama.
« Lorsque les gens de l’armée venaient dans la nuit, ils posaient des échelles pour escalader les clôtures et rentrer à l’intérieur des maisons pour chercher les jeunes garçons », poursuit-il.
Né au Nigeria, Bakoura dit avoir réussi à s’échapper « par la grâce de dieu » pour rejoindre le Cameroun, son pays d’origine. « J’ai beaucoup d’amis qui ont été tués. D’autres ont été arrêtés et emprisonnés », soupire-t-il.
« Quand les militaires ont quitté la ville, nous sommes sortis de nos cachettes et avons découvert qu’il y avait des corps de jeunes partout dans la rue. Les gens pleuraient. Les familles ont récupéré les corps pour les enterrer », ajoute M. Elhadji.
Son neveu faisait partie des victimes, assure-t-il, sans cependant donner de bilan précis.
Cette vague de violences ne suffit pas à décourager M. Elhadji et sa famille, qui décident de rester, espérant que la situation va « se calmer ». En vain. « Elle ne faisait que se détériorer », explique-t-il.
« Le jour précédant notre fuite au Cameroun, c’était très tendu. L’armée a commencé (son offensive contre Boko Haram) à Maiduguri (…) ».
« Par la suite, de nombreux militaires sont arrivés à Bama (…). Ils allaient de quartier en quartier. Toute la ville était agitée et chacun cherchait sa direction » pour fuir, poursuit-il.
« Quand les militaires sont arrivés dans notre quartier, nous nous sommes cachés pour qu’ils ne nous repèrent pas. Au petit matin, nous avons voyagé. C’est presque toute la ville qui s’est vidée », dit-il, assurant avoir aperçu de nombreux cadavres sur la route.
« Lorsque nous partions, ma famille et moi, beaucoup de gens ont couru vers mes deux voitures », ceux qui n’ont pas pu trouver de places étaient « désespérés », selon Elhadji.
« Sur la route conduisant au Cameroun, nous avons traversé beaucoup de barrières tenues par les militaires et les policiers. Nous avons voyagé durant deux jours et étions obligés de payer à chaque fois » près de 120.000 Francs CFA (183 euros).
Depuis que le Nigeria a décrété l’état d’urgence le 14 mai dans les Etats voisins de Borno, Yobe et Adamawa, la circulation est bloquée sur les principaux axes menant aux pays frontaliers, le Cameroun, le Tchad et le Niger.
Désormais, M. Elhadji loge et nourrit difficilement les quelque 80 personnes arrivées avec lui du Nigeria, des femmes, bébés et enfants, dans la modeste maison qu’il possède à Gancé.
Le commerçant, qui n’envisage pas de retourner au Nigeria et assure que « c’est fini pour ce pays », sait qu’il a tout perdu. « J’ai beaucoup de biens à Bama. Là, tout est tombé. J’ai construit une jolie maison. J’ai six boutiques (…) J’ai acheté cinq domaines agricoles à plusieurs millions de FCFA. Je dispose en outre de plusieurs voitures », énumère-t-il avec regret. Au Cameroun, il devra donc tout recommencer à zéro. 

afp 

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