Les rebelles centrafricains ont tenté mardi de faire cesser les pillages dans Bangui, au lendemain de l’annonce par le nouvel homme fort de la Centrafrique, Michel Djotodia, qu’il prenait le pouvoir pour trois ans.
Dans la confusion, le bilan des violences restait difficile à établir deux jours après le coup de force ayant permis à la rébellion Séléka de renverser dimanche le président François Bozizé, au pouvoir depuis dix ans.
« Nous ne pouvons pas donner de chiffres pour le moment mais il y a un nombre important de blessés et de morts », a déclaré à l’AFP Georgios Georgantas, haut-représentant du Comité international de la Croix-Rouge en Centrafrique.
Des patrouilles mixtes composées de la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac) et de membres du Séléka ont tenté toute la journée de « sécuriser » la capitale où le couvre-feu a été imposé en soirée pour la seconde nuit consécutive.
« La ville est tellement grande, il y a des pillages partout, c’est très dur de tout contrôler », a confié à l’AFP un soldat de la Fomac.
Pistolet à la main, le général Moussa Mohammed Dhaffane, un des cinq ministres Séléka au sein du gouvernement d’union nationale, a lui-même participé à la traque des présumés pilleurs.
A la nuit tombée, on entendait toujours des coups de feu sporadiques et les patrouilles régulières continuaient de quadriller la ville, alors que le courant était partiellement revenu dans certains quartiers.
Hormis ces patrouilles, les rues de la capitale centrafricaine étaient désertes en début de soirée.
Si la plupart des marchés de la capitale ont rouvert, leur activité est restée limitée, avec des prix très élevés. Dans le centre de la ville, tous les magasins sont restés fermés, protégés par des hommes du Séléka et des gardes privés.
« J’ai faim », lançaient, en sango (langue nationale) des habitants au passage des patrouilles.
« Nous n’avons rien à manger depuis hier (lundi). Je donne de l’eau avec du sel à mes enfants », expliquait une habitante du quartier Benz VI, employée de la société Orange dont des locaux avaient été pillés dimanche.
« Laissez-nous sécuriser la ville! »
Ancien fonctionnaire ayant basculé dans la rébellion en 2005, M. Djotodia a annoncé lundi soir à la presse qu’il allait diriger le pays pendant ce qu’il a appelé « une période de transition consensuelle de trois ans ».
« J’estime nécessaire de suspendre la Constitution (…), de dissoudre l’Assemblée nationale ainsi que le gouvernement. Pendant cette période de transition qui nous conduira à des élections libres, crédibles et transparentes, je vais légiférer par ordonnances », a-t-il dit.
« En respectant l’esprit des accords de Libreville, je vais reconduire le Premier ministre (Nicolas Tiangaye, issu de l’opposition), chef du gouvernement d’union nationale, dans ses fonctions », a encore assuré M. Djotodia.
Après une première offensive de la rébellion en décembre, un accord de paix avait été signé le 11 janvier à Libreville, mettant en place un gouvernement dit « d’unité nationale », composé de membres du clan du président Bozizé, de la rébellion et de l’opposition. Mais les rebelles, reprochant au régime de ne pas avoir respecté cet accord, avaient repris les armes en fin de semaine dernière et chassé le président, réfugié au Cameroun.
A la question « est-ce un coup d’Etat? », un responsable du Séléka et ministre de la Communication du gouvernement d’union, Christophe Gazam Betty, a répondu mardi à l’AFP: « Il faut bien appeler ça par un nom ou par un autre. Les faits sont là ». En attendant, « laissez nous sécuriser la ville, on verra ensuite », a-t-il lancé.
Des Français rassemblés à l’ambassade
Lundi, l’Union africaine avait suspendu la participation de la Centrafrique à l’organisation. Elle avait également imposé des sanctions contre sept responsables du Séléka dont M. Djotodia. Les Etats-Unis et l’Union européenne avaient condamné le changement de gouvernement « par la force ». Washington a menacé mardi de geler près de 2,2 millions d’aide, qualifiant « d’inacceptables » les pillages en cours.
M. Bozizé était lui-même arrivé au pouvoir par les armes en 2003, à la tête d’une rébellion qui avait chassé le président Ange-Félix Patassé.
Réfugié au Cameroun, c’est dans un hôtel de luxe de Yaoundé qu’il a passé la nuit.
« M. Bozizé été logé à l’hôtel Hilton. Des négociations sont en cours pour qu’il parte le plus rapidement possible vers un autre pays », selon une autorité administrative.
Lundi, deux Indiens avaient été tués par erreur par des soldats français chargés de protéger l’aéroport de Bangui.
Durant le week-end, la France avait renforcé son dispositif militaire en Centrafrique où vivent 1.200 Français, y déployant quelque 550 soldats.
Mardi, à l’ambassade de France à Bangui, une vingtaine de Français attendaient, à bord d’un camion de l’armée française, un transfert vers l’aéroport. Selon le témoignage d’un père tenant son bébé de 18 mois sur les genoux, ils avaient été évacués de chez eux dimanche: « Samedi, nous avions été pillés plusieurs fois, menacés par des gens en armes à plusieurs reprises, on avait eu très peur ».
Au ministère français des Affaires étrangères, on indiquait mardi qu’il n’y avait « pas d’ordre de regroupement des Français de Bangui préalable à une évacuation » mais une aide « ponctuelle » à des Français victimes de pillages.
En Afrique du Sud, le principal parti d’opposition a exigé une commission d’enquête parlementaire après le décès de 13 militaires sud-africains, tués lors de l’assaut du Séléka sur la capitale.
afp