« Vive l’Algérie algérienne » : voilées des pieds à la tête tout en blanc, le visage partiellement masqué d’un petit triangle brodé, des femmes ont défilé jeudi à Alger pour promouvoir leur tenue traditionnelle.
« Nous voulons balayer ces vêtements qui nous viennent d’Arabie saoudite, noirs, tristes et étouffants au soleil pour revenir à notre traditionnel ‘Haïk’ qui fait la fierté de la femme algérienne », proclame l’une d’elles, la cinquantaine, insistant pour garder l’anonymat, en posant devant la Grande Poste.
Le cortège, un workshop organisé par une étudiante des Beaux-Arts, Souad, a rassemblé une trentaine de participantes parties à pied du coeur de la Casbah jusqu’à la Grande Poste où elles se sont dévoilées tout sourire.
« Je voulais donner au ‘Haïk’ sa valeur véritable et j’en suis à mon second essai », avoue Souad, une artiste-peintre tête nue au quotidien, mais qui veut défendre bec et ongles la tradition du pays.
« Vive l’Algérie algérienne, ça fait partie de notre culture, la chose noire, ça nous est totalement étranger », approuve une passante la tête recouverte, elle, d’un foulard bordeaux.
Pour Rim, la vingtaine, employée dans un site culturel, visage masqué par le ‘Aadjar’ (le petit triangle) en soie brodé main de la grand-mère d’une amie, « c’est malheureux d’avoir imposé depuis les années 90 le hijab qui ne fait pas partie de nos traditions », un foulard noir assorti d’un manteau long de couleur foncée.
« Certes, reconnaît-elle, le Haïk est d’origine turque, mais il nous accompagne depuis des siècles (l’empire Ottoman a occupé une bonne partie de l’Algérie avant d’en être chassé par les Français) ».
Aujourd’hui dans Alger, on ne voit plus guère que des vieilles dames revêtues de ce vêtement traditionnel.
Et souvent les petits triangles apposés sur le visage sont des joyaux de dentelles brodées main. Parmi cette multitude de tenues, de couleur blanche à blanc cassé, les plus aisées sont reconnaissables à la soie qui les drape.
Amal, la trentaine, coiffée d’un foulard noir, observe de loin la marche des femmes tout en blanc, applaudies par les badauds, en souriant. « Oui », dit-elle à l’AFP, elle porterait « bien le Haïk s’il revenait à la mode mais il n’y a que les vieilles qui le mettent maintenant ».
Les jeunes Algéroises, après avoir vécu tête découverte, ont majoritairement mis le voile sous la pression des islamistes durant la guerre civile dans les années 1990.
C’est ensuite devenu un phénomène de mode pour certaines: les voiles sont de toutes les couleurs et prennent toutes sortes de plis à condition de masquer les cheveux et le cou. Nombre de jeunes femmes ne se privent d’ailleurs pas de maquillage vif alors qu’elles sont censées, cachant leur chevelure, ne pas attirer le regard masculin.
Par opposition est apparu depuis la guerre civile la tenue très sévère du Niqab: une femme se retrouve toute de noir recouverte: robe longue, gants, bas opaques, voile sur la tête. Seuls les yeux sont visibles.
« Le Hijab et le Niqab ne font pas partie de nos traditions », affirme Souad, pour laquelle également « le Haïk met en valeur la femme d’aujourd’hui, tout en légèreté et élégance ».
En ce cinquantenaire d’indépendance algérienne, Abdelkader Achour, président d’une association de défense des traditions, Al Hadriah (La Citadine), rappelle que le « Haïk » est une valeur révolutionnaire.
« La femme algérienne a été porteuse de bombes et de mitraillettes sous ce Haïk. C’est elle qui traversait les rues portant d’un point à l’autre ces armes contre le colonisateur français », dit-il. Les soldats français fouillaient les hommes mais ne touchaient pas aux femmes.
AFP