Les portes de la chapelle Sixtine se sont refermées mardi après-midi au Vatican sur un conclave historique de 115 cardinaux appelés à élire le successeur de Benoît XVI, premier pape à avoir renoncé à ses fonctions en sept siècles.
Au son de la litanie des saints, les 115 cardinaux électeurs ont pénétré en procession dans la chapelle Sixtine, surplis blancs recouverts d’une capeline pourpre. Les cardinaux se sont inclinés devant l’autel avant de prendre leurs places préalablement attribuées de part et d’autre de la célèbre chapelle, sous les splendides fresques de Michel-Ange.
Tour à tour, les cardinaux de 64 nationalités différentes ont prononcé le serment en latin, la main posée sur l’Évangile, « de garder le secret absolu sur tout ce qui concerne directement ou indirectement les votes et les scrutins pour l’élection du souverain pontife ».
Selon un rituel immuable et strict, hérité du Moyen Age, mais retransmis en direct sur grand écran place Saint-Pierre, le maître des célébrations liturgiques pontificales a prononcé d’une voix forte et solennelle la formule « extra omnes » (tous dehors). Les personnes étrangères aux votes -officiants, maîtres de cérémonie, journalistes des médias du Vatican et même le secrétaire particulier de Joseph Ratzinger, Georg Gänswein- ont quitté les lieux. Les portes se sont ensuite fermées, annonçant le début du conclave.
Totalement coupés du monde, les cardinaux procéderont probablement dès mardi à un premier scrutin pour désigner le nouveau pape, après la démission spectaculaire et historique de Joseph Ratzinger le 28 février.
A partir de mercredi, quatre votes sont prévus chaque jour, deux en matinée et deux l’après-midi.
Tous les bulletins seront brûlés en fin de journée pour effacer toute trace de scrutins très secrets dont les cardinaux ne peuvent faire état. Grâce à l’adjonction de fumigènes, s’échappera une fumée noire si aucun pape n’est élu, blanche en cas d’élection.
La première fumée est attendue mardi vers 18H00 GMT.
Selon les vaticanistes, et sauf surprise, le conclave qui s’ouvre devrait être bref, de deux à quatre jours au maximum.
Sur les 115 électeurs, tous créés par Jean Paul II ou Benoît XVI, une dizaine étaient cités ces derniers jours comme des « papabili », autrement dit des « papes potentiels ».
De l’Italien Angelo Scola au Canadien Marc Ouellet, du Brésilien Odilo Scherer à l’Autrichien Joseph Schönborn et au Hongrois Peter Erdö et aux Américains Timothy Dolan et Sean O’Malley, tous ont des points communs évidents avec leurs mentors. Ils sont tous conservateurs, plus soucieux d’empêcher que la foi ne se dilue que d’engager des réformes de société, attendues par beaucoup, notamment en Occident.
« Guidés par l’Esprit Saint », les cardinaux devront choisir celui qui sera à même d’affronter la crise que traverse la Curie romaine, le gouvernement de l?Église, éclaboussé par le scandale des fuites Vatileaks et par des conjectures sur un prétendu « lobby gay ».
Il devra aussi s’attaquer aux défis de la sécularisation des sociétés occidentales et des persécutions de chrétiens dans le monde.
L’élection du 266e souverain pontife clôt un mois mouvementé, entamé le 11 février avec l’annonce surprise par Benoît XVI de sa renonciation à l’âge de 85 ans. Premier pape vivant à assister à l’élection de son successeur, Joseph Ratzinger suivra le processus de loin.
Depuis le 28 février, le « pape émérite » s’est retiré dans la résidence d’été des papes, à Castel Gandolfo, à une trentaine de kilomètres de la Ville éternelle.
Pendant que les princes de l’Eglise se réunissaient pour ouvrir le conclave, quelques rares touristes et fidèles stationnaient sur la place Saint-Pierre balayée par des averses et un vent frais.
Les cardinaux avaient commencé la journée avec une messe solennelle à la basilique Saint-Pierre, au cours de laquelle ils ont rendu hommage à Benoît XVI par un tonnerre d’applaudissements.
Au début de cette messe « pro eligendo pontifice » (pour l’élection du pontife romain), sur fond de chants grégoriens, les cardinaux ont défilé solennellement en habit pourpre et coiffés de leur mitre dans l’allée centrale de la plus grand église de la chrétienté.
Lorsque le cardinal Angelo Sodano, doyen du Sacré Collège, a prononcé dans son homélie le nom de l’ancien pape, un tonnerre d’applaudissements a retenti pendant une minute dans la basilique et sur la place.
Des milliers de fidèles avaient afflué le matin sur la place afin de pouvoir assister à cette messe, retransmise sur quatre écrans géants.
Parmi eux, Graziano Toto, un Romain de 68 ans, qui estime que « la priorité du nouveau pape sera de mettre de l’ordre dans la Curie, dans les dicastères (ministères) ».
« Il faut qu’il puisse changer les choses, aborder des sujets comme la place des femmes dans l’Eglise ou encore le célibat des prêtres », espère de son côté Christine Hinterstoiber, une Bavaroise de 58 ans.
Dans la basilique, le cardinal Sodano a exhorté les cardinaux à « travailler tous ensemble pour bâtir l’unité de l’Eglise » et à « coopérer avec le successeur de Pierre ». Il a cité une épître de Saint-Paul : « ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, soutenez-vous les uns les autres avec amour ». A la fin de la messe, les cardinaux ont quitté la basilique en procession.
Auparavant, de bon matin -6H00 GMT-, les princes de l?Église avaient emménagé à la Maison Sainte-Marthe, un ancien hospice situé derrière la basilique où ils seront hébergés jusqu’à l’élection du nouveau chef d’une Église de 1,2 milliard de fidèles.
AFP