«L’auteur qui a exercé sur le XX ème siècle l’influence la plus féconde». C’est ainsi que, à l’occasion du FESMAN (Festival Mondial des Arts Nègres) l’écrivain américain WILLIAM E.B. DU BOIS présentait Cheikh Anta Diop en 1966, un peu plus d’une décennie après la sortie de son œuvre majeure Nations nègres et culture.
Après avoir lu la première partie de ce livre passionnant en une nuit, Aimé Césaire fit «le tour du Paris progressiste de l’époque, en quête de spécialistes disposés à défendre, avec lui, le nouveau livre». Le poète martiniquais écrira plus tard qu’il s’agit du «livre le plus audacieux qu’un nègre n’ait jamais écrit » (terme nègre loin d’être péjoratif dans la bouche de l’un des chantres de la Négritude). Un livre paru en 1955, dans un contexte de division chez certains Africains entre ceux qui voulaient rester dans la communauté française «libre et égalitaire» et les radicaux partisans d’une indépendance totale de la métropole.
Outre l’indépendance immédiate réclamée, le Professeur Cheikh Anta Diop y développait des thèmes aussi centraux que la création d’un Etat fédéral continental, l’origine africaine et négroïde de l’humanité et de la civilisation de même que celle égypto-nubienne, l’identification des grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines, les caractères des structures politiques et sociales africaines, l’unité linguistique du continent… Si certains de ces thèmes apparaissent aujourd’hui comme des vérités scientifiques, en 1954, ce qu’on appelait jadis la communauté scientifique s’était mise vent debout contre l’œuvre qualifié de fantaisiste. Nations nègres et culture fut d’abord une thèse doctorale que Diop a eu du mal à soutenir faute d’encadreur assez courageux pour l’accompagner dans les thèses révolutionnaires développées par le jeune chercheur. Une fois la thèse soutenue puis transformée en ouvrage dont la première édition est datée de 1954, les attaques en «idéologie» scientifique n’ont pas manqué comme lors de la présentation de la thèse.
A ceux qu’ils appelaient les «cosmopolites-scientistes-modernisant» qui lui reprochaient de fouiller dans les décombres du passé considérant que c’est «une perte de temps», le professeur Diop répondît sèchement: «les théories sur le passé des Africains (…) sont utilitaires et pragmatiques. La vérité c’est ce qui sert, et ici, ce qui sert le colonialisme: le but est d’arriver en se couvrant du manteau de la science, à faire croire au Nègre qu’il n’a jamais été responsable de quoi que ce soit de valable, même pas de ce qui existe chez lui».
Cet opus qui a fait l’objet d’une bombe dans le landerneau des historiens et égyptologues au moment de sa sortie est aujourd’hui approuvé et reconnu scientifiquement par des instances et institutions internationales telles que l’UNESCO. Aux Etats-Unis, on délivre des diplômes universitaires «African studies» en spécialisation «Diopian Analysis».
Panafricaniste de la première heure, après avoir apporté des améliorations et précisions avec Antériorité des civilisations Nègres: mythes ou vérités historiques ?, le Professeur Diop a donné les Fondements économiques et culturels d’Etat fédéral d’Afrique Noire pour aller au delà de la
définition de l’historien Jean Tulard : «un prophète du passé».
Références de trois des nombreux ouvrages du Professeur Cheikh Anta Diop
– Nations nègres et culture
Paris, Edition Présence Africaine, réédition 2003
– Antériorité des civilisations Nègres: mythes ou vérités historiques ?
Paris Editions Présence Africaine, réédition 2001
– Fondements économiques et culturels d’Etat fédéral d’Afrique Noire
Présence africaine, réédition 2000
Moussa DIOP
Paru dans le Diasporas-News Magazine de Février 2013
Paru dans le Diasporas-News Magazine de Février 2013