L’attentat suicide commis vendredi, le premier du genre au Mali, a entraîné un tour de vis sécuritaire à Gao, la grande ville du Nord, où patrouilles et check-points ont été renforcés en prévision d’une nouvelle attaque venue des villages voisins où se cachent des islamistes.
Seul le kamikaze, un jeune Touareg, a péri vendredi dans l’explosion qui a légèrement blessé un soldat malien. Mais le scénario aurait pu se reproduire samedi: dans la matinée, deux jeunes portant des ceintures d’explosifs ont été arrêtés à 20 kilomètres au nord de Gao.
Du coup, dans la ville reprise le 26 janvier aux groupes islamistes armés, gendarmes et soldats s’affairent à renforcer les défenses.
Sacs de sable empilés autour des postes de contrôle, arbres rasés pour améliorer la visibilité, mitrailleuses lourdes en batterie, patrouilles continuelles de soldats nigériens et maliens dans leurs pick-ups de combat camouflés: les mesures traduisent l’inquiétude des militaires, qui prennent très au sérieux les menaces de nouvelles attaques.
Car « le Mujao », le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest qui a revendiqué l’attaque suicide, « est dispersé dans les villages » alentours, explique Touré Chafiyou, un infirmier de 23 ans, originaire de cette zone.
Selon des sources militaires française et malienne, plusieurs villages entourant Gao sont effectivement acquis à la cause islamiste. Du coup, « dès qu’on sort de plus de quelques kilomètres de Gao, c’est dangereux, on peut se faire tirer dessus », confie un officier malien.
Se rendant au travail, Touré Chafiyou passe le check-point barrant la route menant à Bourem (90 km au nord-ouest), justement là où a eu lieu l’attentat suicide, en poussant sa moto – le kamikaze en a utilisé une vendredi.
« On pousse la moto pour la sécurité. Ca ne nous dérange pas vraiment », sourit-il.
Barbe blanche sous un turban noir, Abderramane Mahamane Maïga a également dû couper sa machine. « Nous sommes tous contents de le faire », assure-t-il.
Il voit souvent les islamistes dans la brousse, étendue immense et aride quasi impossible à contrôler – le Mali fait plus de deux fois la France.
« Cachés dans les villages »
« Hier soir », dit-il, « à Berrah, près de chez moi, on a arrêté deux enfants qui sont dans le Mujao, ils ont moins de 20 ans. Les Mujao sont très nombreux, vers Bourem ».
Selon lui, « ils sont cachés dans les villages mais ne font rien à la population ».
En 24 heures, les effectifs déployés au checkpoint, protégé désormais par deux murs de sacs de sable séparés de 300 mètres, ont été doublés.
Au poste de contrôle menant vers le Niger, au sud de la ville, les plaques d’immatriculation sont relevées, les cargaisons des camions fouillées par la gendarmerie malienne. « Pour le moment, c’est calme », se réjouit le maréchal des logis-chef Camara Abdramane, solide gaillard aux superbes lunettes de soleil chromées.
Pilonnés par l’aviation, ne pouvant tenir en combat frontal face aux soldats français et maliens, les jihadistes semblent désormais avoir opté pour les attentats suicide et la pose de mines, essentiellement artisanales, que les militaires découvrent quotidiennement.
Ces engins ont déjà fait des victimes: quatre civils maliens mercredi, et deux soldats maliens le 31 janvier, à chaque fois sur l’axe reliant Gao à Douentza (centre), 400 km au sud-ouest.
Pas de panique néanmoins dans la population de la plus grande ville du Nord. « On a peur », disent beaucoup d’habitants, mais le marché est aussi animé que d’habitude.
Quant à Moktar Haziz, dans son magasin de chaussures, il n’est même pas au courant de l’attentat. « La sécurité, ça va maintenant, avec les Français », estime-t-il, se plaignant plutôt du marasme économique: « beaucoup de gens sont partis de Gao, les affaires ne vont pas comme avant ».
Sur la place de l’Indépendance, en plein centre, des dizaines d’enfants insouciants jouent au football. Un grand panneau porte encore le nom dont les islamistes avaient rebaptisé l’endroit: « place de la Sharia’a », la loi islamique au non de laquelle ils avaient multiplié les exactions.
AFP