dimanche, décembre 22, 2024
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Mali: le vieux Pedro, seul Blanc resté à Ségou

Mali: le vieux Pedro, seul Blanc resté à Ségou
Barbe et cheveux blancs en broussaille, égouPedro, Espagnol de 77 ans, ne s’est pas enfui de la ville malienne de Ségou comme les autres Blancs menacés par les islamistes. « Il faut bien mourir quelque part », commente-t-il avec sérénité.
Pedro a ses habitudes. Un matin sur deux, il s’installe dans la cour intérieure d’un hôtel de la ville située à 270 km au nord-est de Bamako, doté du wifi, pour consulter internet sur un très vieil ordinateur portable qui semble dater des premières heures de l’informatique.
Un serveur apporte aussitôt un café noir, « voici monsieur Pedro! ». Il allume une cigarette blonde, qu’il fume à la chaîne, lance un programme de musique classique d’une radio catalane et puis consulte, lentement, El Païs, Le Monde, le Times.
« Ils sont tous partis, tous les autres Blancs. Je n’ai pas peur, c’est comme ça », raconte simplement ce Catalan, ancien économiste à Barcelone, qui parle un bon français d’une voix basse, depuis longtemps à la retraite. « Ceux qui travaillaient dans des projets de développement, pour les ONG, les patrons d’hôtels ont quitté, je me suis retrouvé seul blanc, avec les Africains ».
La fuite précipitée des Blancs est intervenue à la suite des menaces des islamistes qui se sont déclarés prêts à frapper partout au Mali, après le début de l’offensive militaire française contre leurs positions, dès le 11 janvier.
L’ambassade espagnole à Bamako a bien essayé de lui faire quitter Ségou, à peine à 100 km au sud de Diabali, prise quelques jours par les jihadistes. « Ils m’envoyaient des SMS, il faut prendre des précautions monsieur Pedro, et puis après, il faut quitter!. N’insistez pas, je leur ai dit, je reste ».
Arrivé à Segou il y a six ans, Pedro Ros est voyageur depuis longtemps.
 

Mali: le vieux Pedro, seul Blanc resté à Ségou
« C’est ici ma vie »
« Depuis tout petit, j’avais envie de découvrir l’Afrique. J’ai traversé le Maroc, le Sahara, la Mauritanie, le Sénégal… jusqu’au Cameroun. Et puis le Mali, Gao, Tombouctou, l’habituel trajet, et je me suis dit, tiens, ça c’est un bon pays, c’est ici ma vie ».
Il travaille alors pour la Croix-Rouge malienne, sur un projet de sensibilisation consacré aux mutilations génitales des femmes (« Je ne connaissais rien de ce problème »), puis se lance dans la construction d’une école avec une aide de l’Espagne. « Nous l’avons fait, ca fait deux ans que ça marche, à Mouni, dans la zone de Bobofing, au sud-est de Segou ». Il est sur un autre projet d’installation d’un moulin à grains, dans un pays où la population, à 85% rurale, reste très pauvre.
Pedro, à la voix murmurante, semble un peu fatigué. Il n’écrase pas ses mégots dans le cendrier, il se contente de les déposer… 
Il ne retourne plus en Espagne, il n’a plus de famille, si ce n’est un cousin en Galice, et une cousine aux Etats-Unis. Sa famille est africaine, à Ségou. « J’ai épousé une Malienne, qui s’appelle Genevière car elle est chrétienne, nous avons un enfant qui aura bientôt deux ans, Kim Pedro ».
Le serveur lui apporte un petit déjeuner, sans qu’il ait à le commander. On pose une serviette sur la tasse de café, pour éviter les mouches.

Mali: le vieux Pedro, seul Blanc resté à Ségou
Pedro prend le temps de se raconter, il n’est pas pressé de manger. A 77 ans, il semble avoir tout son temps. Pour les soins, il va « de temps en temps à l’hôpital, pour un palu ». Quant à ses dents plutôt abîmées, il est vrai que « les dentistes de Ségou ne sont pas les meilleurs »….  « Je me tiens informé de l’actualité, mais, finalement, je ne comprends rien à la marche du monde », reconnaît-il. Il ne va plus à Bamako: « c’est de la folie là-bas, trop de monde ».
En location, il a même le projet d’acheter un terrain et faire construire une maison. Sa retraite espagnole tombe régulièrement, mais il a oublié comment convertir les francs CFA en Euros.
Après trois heures de lecture en musique, il part retrouver sa famille et « déjeuner à l’africaine ».
Après son départ, un jeune serveur s’exclame: « Ah! Monsieur Pedro, il va mourir au Mali! » 

AFP 

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