Les militaires érythréens mutinés qui occupaient depuis lundi le ministère de l’Information à Asmara ont libéré le personnel qu’ils y retenaient et évacué le site, où aucun des blindés déployés la veille n’y était plus visible mardi, selon un diplomate européen dans la capitale érythréenne.
« Il n’y a aucune présence militaire visible dans la ville, les tanks sont partis », a indiqué par téléphone à l’AFP ce diplomate, premier témoin direct interrogé par l’AFP sur la situation dans la capitale.
« Le ministère de l’Information a retrouvé son activité normale » et le personnel qui était retenu a pu rentrer chez lui, a-t-il ajouté. « L’activité est normale dans la ville, les bâtiments publics sont ouverts, les banques sont ouvertes », a-t-il précisé.
La localisation des mutins depuis qu’ils ont quitté le ministère restait inconnue mardi.
Un tel mouvement, apparemment planifié, de la part de militaires est inédit en Erythrée, pays ultra-militarisé, sans opposition, où le régime du président Issaias Afeworki écrase systématiquement tout début de contestation et où l’armée détient les réels leviers du pouvoir.
Très peu de détails supplémentaires étaient disponibles. La presse indépendante est interdite, les journalistes étrangers persona non grata en Erythrée et les autorités sont restées muettes sur les événements depuis lundi. « Il n’y a aucune information officielle », a expliqué le diplomate européen à l’AFP, précisant n’avoir « pas d’analyse définitive » sur ce qui s’est réellement passé.
L’ambassadeur d’Erythrée auprès de l’Union africaine à Addis Abeba, Girma Asmerom, interrogé par l’AFP, a refusé de s’exprimer sur la situation à Asmara: « Je ne veux pas donner la moindre crédibilité à des informations absurdes et de caniveau », a-t-il déclaré.
« Tout est calme, comme cela l’était en fait hier », a simplement affirmé dans un tweet à l’AFP Yemane Gebremeskel, le directeur de cabinet du président Issaias, chef de l’Etat érythréen depuis l’indépendance du pays, acquise en 1993 après 30 ans de sanglante rébellion contre le pouvoir d’Addis Abeba.
Peu d’informations étaient aussi disponibles sur l’identité des mutins. « Nous n’avons même pas une hypothèse », a reconnu le diplomate européen à Asmara.
Awate.com, site internet érythréen d’opposition en exil, basé aux Etats-Unis mais qui dispose de relais en Erythrée, a identifié le chef des mutins comme étant le colonel Saleh Osman, l’un des chefs des forces érythréennes stationnées dans la région d’Assab, port de la Mer Rouge situé à la pointe sud-est du pays.
« La confrontation a été +résolue+ quand le gouvernement a +accepté ses demandes+ », affirme le site.
Le colonel Osman, vétéran de la guerre d’indépendance, est un officier réputé incorruptible et doté d’un fort caractère. Il est considéré comme un héros de la guerre frontalière contre l’Ethiopie (1998-2000) pour avoir sauvé Assab d’une offensive éthiopienne en 2000, en refusant l’ordre de l’évacuer avec ses hommes.
La télévision d’Etat Eri-TV, dont les studios sont situés à l’intérieur du ministère et dont le signal hertzien était coupé depuis lundi matin en Erythrée, a recommencé à émettre en direct lundi soir, a également rapporté Awate. Selon des sources concordantes, un groupe d’au moins une centaine de soldats avaient pris position lundi matin à l’intérieur du ministère de l’Information, vaste complexe de bâtiments situé sur une colline au coeur d’Asmara, surplombant la capitale érythréenne, notamment le palais présidentiel.
De ce complexe émettent la totalité des médias publics, les seuls autorisés en Erythrée.
Le diplomate interrogé n’a pu chiffrer le nombre de mutins. Lundi, il avait compté « au moins cinq tanks » de l’armée érythréenne, « trois à l’extérieur et deux à l’intérieur du ministère » sans pouvoir dire avec certitude qui des mutins ou des soldats loyalistes étaient aux commandes.
Dans un bref communiqué, lu sur les ondes publiques et apparemment interrompu par la coupure du signal, les mutins avaient réclamé la « libération des prisonniers politiques » et la mise en place de la Constitution, adoptée en 1997 et prévoyant le multipartisme et des élections, mais suspendue depuis le conflit avec l’Ethiopie.
AFP