Le tribunal constitutionnel espagnol a validé définitivement mardi la loi de 2005 sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels qui fait de ce pays, où l’Eglise catholique reste très puissante, l’un des plus audacieux au monde en la matière.
Cette décision intervient au moment où le gouvernement socialiste français est sur le point de déposer au Parlement un projet de loi en ce sens, combattu, comme en Espagne, par l’Eglise et la droite.
Le tribunal constitutionnel a rejeté un recours déposé il y a sept ans par la droite, désormais au pouvoir, qui a annoncé, dans la foulée de la décision, renoncer à modifier la loi.
L’Espagne est l’un des premiers pays du monde à avoir autorisé le mariage entre personnes du même sexe et l’adoption, avec la Suède, pionnière en la matière, les Pays-Bas, la Belgique, l’Afrique du Sud et la Norvège.
La loi permet aux couples homosexuels de se marier, d’adopter des enfants ainsi que de recourir à la fécondation in vitro pour avoir des enfants. Elle permet également l’adoption pour les couples non mariés.
De quoi faire scandale dans un pays encore ancré dans la tradition catholique et où l’Eglise a vivement combattu la loi.
Les mentalités évoluent
Mais depuis 2005, la législation a fait évoluer les mentalités, les gens s’habituant peu à peu à voir des parents homosexuels emmener leurs enfants à l’école ou au jardin d’enfants, affirment les associations de défense des homosexuels qui criaient victoire mardi.
Des enquêtes récentes ont montré que les deux tiers des Espagnols soutiennent le mariage gay, l’un des niveaux les plus élevés en Europe.
Le Tribunal constitutionnel, qui publiera les motifs de sa décision dans les prochains jours, a décidé, par huit voix contre trois et une abstention, de « rejeter le recours de constitutionnalité » contre la loi.
Pas de « mariage »
Le parti populaire avait introduit un recours trois mois après son entrée en vigueur, le 3 juillet 2005, contestant l’utilisation du mot « mariage » pour une union entre deux personnes du même sexe, contraire selon eux à la définition du mot dans la constitution.
Dans la matinée, le chef du gouvernement Mariano Rajoy avait affirmé que le PP avait contesté la loi « non pas parce que l’union de deux personnes de même sexe produisait des effets juridiques » mais « uniquement pour le nom » de mariage.
Peu après la décision, le ministre de la Justice Alberto Ruiz Gallardon a toutefois indiqué que le gouvernement renonçait finalement à changer le code civil.
Le tribunal « a établi une doctrine qui pour nous la rend, dans ce cas, inaliénable » et le Parti populaire entend donc « ne pas modifier la loi en vigueur », a-t-il déclaré.
Le parti socialiste s’est également réjoui, affirmant que cette décision « consolide définitivement la reconnaissance des droits et de la dignité des gays et lesbiennes et de leurs familles ».
Entre 2005 et 2011, plus de 20.000 mariages homosexuels ont été célébrés, soit 1,8% des mariages en Espagne, selon les chiffres de l’Institut national de la statistique.
La Fédération nationale des lesbiennes, gays, transsexuels et bisexuels estime que quelque 30.000 mariages ont eu lieu jusqu’à aujourd’hui, en raison d’une recrudescence des unions en 2011 avant l’élection attendue de la droite.
Parmi les sujets de société, la loi sur le mariage homosexuel, puis celle sur la libéralisation de l’avortement en juillet 2010, sont les deux mesures phares et les plus polémiques adoptées par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero en huit années de pouvoir.
Concernant la loi sur l’avortement qui autorise notamment toute femme à avorter jusqu’à 14 semaines, le gouvernement a indiqué préparer un nouveau texte beaucoup plus restrictif, qui reviendrait à interdire l’interruption volontaire de grossesse, sauf dans certains cas.
M. Gallardon a récemment déclenché une polémique en annonçant que la future loi interdirait l’avortement même en cas de malformation du foetus.
AFP