La bataille pour le pouvoir est souvent violente au KwaZulu-Natal, province de l’est de l’Afrique du Sud qui a été le théâtre de plus de 80% des assassinats politiques du pays ces trois dernières années.
La violence n’est pas nouvelle au KwaZulu-Natal, terre du peuple zoulou et région d’origine du président Jacob Zuma, où des affrontements entre le Congrès national africain (ANC) et le Parti Inkatha de la Liberté (IFP) ont fait des milliers de morts au début des années 1990, alors que l’apartheid s’effondrait.
Elle a ressurgi depuis 2009, et plus de 50 hommes politiques ont été tués dans la région. L’un des assassinats les plus spectaculaires a eu lieu le 15 octobre en plein jour devant policiers et caméras, à la porte d’un palais de justice où débutait le procès d’un autre meurtre survenu une semaine plus tôt. Les deux victimes étaient membres de l’IFP.
La région voit s’affronter trois formations: l’ANC, au pouvoir au niveau national et régional, l’IFP, formation zouloue qui a perdu le contrôle du KwaZulu-Natal en 2004, et le Parti national de la Liberté, une dissidence du précédent (NFP).
L’Alliance démocratique, principal mouvement d’opposition au niveau national et troisième formation dans la province — où son électorat est essentiellement blanc et indien — reste épargnée par les violences qui ensanglantent ce bastion zoulou.
Cupidité, intolérance, clientélisme
« Ce qui semble se passer, c’est qu’il y a une lutte pour se mettre en position de pouvoir, ce qui va ensuite donner aux gens l’accès à l’argent », constate Georgina Alexander, chercheuse à l’Institut sud-africain des relations raciales.
« Il s’agit de cupidité, en particulier dans le contexte d’une montée des inégalités en Afrique du Sud et de chômage élevé… Et les gens voient Julius Malema (l’ancien dirigeant des jeunes de l’ANC), qui a très peu d’instruction, mais beaucoup d’argent parce qu’il est dans le milieu politique », note-t-elle.
Les Zoulous ont « une sorte d’approche stalinienne de l’exercice du pouvoir politique », estime le politologue David Bruce, qui remarque que la reprise de la violence a coïncidé, en 2009, avec l’arrivée au pouvoir de M. Zuma à Pretoria.
L’ANC a déploré six morts dans ses rangs depuis le début de l’année, la plupart de ces décès semblant être attribuables à des luttes de pouvoir internes.
« Les gens tuent pour assurer leur position », déclare le porte-parole de l’ANC dans la province, Senzo Mkhize.
« Les gens pensent que s’ils tuent ceux qui occupent certains postes, ils seront des candidats tout désignés (pour les remplacer) Pour d’autres, c’est juste un crime, les gens décidant de tuer parce qu’on est membre de l’ANC. Pour d’autres enfin, c’est plus une lutte interne au sein des structures du parti », ajoute M. Mkhize.
Marie de Haas, qui étudie la violence politique au KwaZulu-Natal depuis les années 1980, dit que les dénonciateurs de la corruption s’ajoutent maintenant à la liste des victimes.
« Les raisons pour expliquer la violence à l’intérieur de l’ANC peuvent être de tuer ceux qui tentent de dénoncer la corruption au sein de l’organisation, la concurrence pour les postes ou des places de candidats aux élections », explique-t-elle, ajoutant aussi les tensions entre factions avant le congrès du parti au pouvoir, qui aura lieu en décembre à Bloemfontein (centre).
L’intolérance politique a aussi été mise en cause, depuis que le NFP a fait sécession de l’IFP. Les deux formations ont l’une et l’autre déploré la mort de 27 de leurs membres depuis le début de l’année, mais ces chiffres n’ont pu être vérifiés de façon indépendante.
L’Inkatha accuse l’ANC d’avoir créé le NFP pour l’affaiblir.
« La tension entre l’IFP et le
NFP est causée par l’ANC. Ils agissent dans l’ombre autour de nous, ordonnant à leurs subordonnés (le NFP) de tenter de nous détruire. Ils veulent nous rayer de la carte politique », soutient Blessed Gwala, chef du groupe IFP au parlement provincial.
Des allégations rejetées par le NFP et l’ANC.
AFP