En trois mois au pouvoir, Mohamed Morsi s’est fortement impliqué pour « rééquilibrer » la diplomatie égyptienne, mais aussi attirer des capitaux étrangers indispensables pour le redressement d’un pays en proie à des incertitudes économiques et politiques, selon des analystes.
Enchaînant les visites à Pékin, New York, Bruxelles et Ankara, le chef de l’Etat, issu de la confrérie des Frères musulmans, a martelé son objectif de redonner à l’Egypte « sa place légitime », en particulier sur les grands dossiers du Moyen-Orient comme la Syrie ou la question palestinienne.
Cherchant à prendre ses distances avec ses prédécesseurs très pro-occidentaux, Anouar el-Sadate et Hosni Moubarak, il dénonce la « marginalisation » dans laquelle l’Egypte était selon lui tombée.
« Il y a beaucoup de mouvement sur la scène internationale, mais avec des inflexions plus que des changements radicaux » qui provoqueraient l’alarme dans les chancelleries et décourageaient les investisseurs, estime Moustafa Kamel Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire.
M. Morsi a ainsi appelé sans ménagement au départ du régime syrien, amorcé un dialogue prudent avec l’Iran mais sans reprendre les liens diplomatiques, relancé les relations avec la Turquie et s’est rendu en grande pompe à Pékin. Un déplacement à Washington est toujours à l’état de projet.
Les relations avec Israël n’ont plus le niveau de confiance d’autrefois, mais M. Morsi a fait savoir qu’une révision du traité de paix de 1979 n’était pas à l’ordre du jour.
« M. Morsi veut se poser en président indépendant, soucieux de rehausser l’image de l’Egypte comme puissance régionale et attentif au caractère nationaliste et patriotique des Egyptiens », relève Khalil al-Anani, spécialiste du Moyen-Orient à l’université britannique de Durham. Mais il a souvent « plus de rhétorique que de stratégie bien définie ».
Rien sur la politique étrangère ne figure dans le programme qu’il s’est fixé pour ses 100 premiers jours -une échéance qui tombe le week-end prochain-, et qui est centré sur des sujets du quotidien: améliorer la circulation et le ramassage des ordures, donner du pain aux pauvres, résoudre la pénurie de gazole, rétablir la sécurité.
Mais le président a finalement obtenu davantage de louanges de ses compatriotes pour ses déclarations pro-palestiniennes et sur la Syrie à l’ONU, que pour ses efforts incertains en vue de dompter le trafic chaotique au Caire.
« La pression de l’opinion est forte pour modifier la politique étrangère, beaucoup d’Egyptiens ayant le sentiment qu’elle s’était dégradée sous Moubarak, avec une perte d’influence et une dépendance excessive envers les Etats-Unis et Israël », estime le politologue et éditorialiste Hassan Naféa.
M. Morsi a réussi à mettre au pas en août la puissante hiérarchie militaire qui lui disputait le pouvoir. Mais il gouverne un pays encore fragile, avec un Parlement dissous, une constitution dans les limbes, une grave crise économique et un puissant courant fondamentaliste salafiste.
Les turbulences avec Washington provoquées par les manifestations contre l’ambassade américaine après un film islamophobe ont montré que l’Egypte de M. Morsi restait sous haute surveillance.
Un membre du Congrès américain vient ainsi de geler 450 millions de dollars destinés à l’Egypte, en soulignant que cette aide « arrivait à un moment où les relations égypto-américaines sont soumises à un examen sans précédent ».
La crise économique constitue aussi un élément-clé de la nouvelle diplomatie égyptienne, soucieuse de ramener des investissements étrangers, florissants sous M. Moubarak mais qui ont fui l’instabilité post-révolutionnaire.
En Chine, M. Morsi a embarqué avec lui quelque 70 hommes d’affaires, donnant une tonalité très commerciale à ses entretiens. Idem au siège de l’Union européenne à Bruxelles.
A Ankara, qui a promis une aide de deux milliards de dollars à l’Egypte, les questions économiques ont figuré en bonne place.
« La situation économique, les déficits publics et la corruption héritée de l’ère Moubarak sont les principaux défis de M. Morsi », estime M. Anani. « Mais il n’y a pas pour le moment de politique économique claire, en dehors de solliciter de l’argent à l’extérieur ».
AFP