Amnesty International et Greenpeace ont demandé l’ouverture d’une enquête pénale au Royaume-Uni sur le déversement en 2006 de déchets toxiques à Abidjan qui a fait 17 morts, dans un rapport intitulé « Une vérité toxique » rendu public mardi.
Le déversement de résidus toxiques du cargo Probo Koala à Abidjan en août 2006 avait causé la mort de 17 personnes et près de 100.000 intoxications, selon la justice ivoirienne. La multinationale de courtage pétrolier et transport maritime Trafigura, affréteur du navire, a toujours nié qu’il ait provoqué décès et maladies graves.
Amnesty International et Greenpeace ont étudié « la succession tragique des défaillances à l’origine d’un désastre sanitaire, politique et environnemental », dans leur rapport de plus de 250 pages, rédigé après trois années d’enquête.
Pour les deux ONG, le Royaume-Uni doit ouvrir une enquête pénale sur le rôle joué par Trafigura dans le déversement, étant donné que la branche du groupe basée dans le pays a pris « un grand nombre de décisions cruciales à l’origine du désastre ».
Dans un premier temps, les déchets, générés par le lavage à la soude caustique de gros volumes de pétrole non raffiné, ont été acheminés aux Pays-Bas mais Trafigura, estimant que le tarif demandé était trop élevé, a refusé qu’ils y soient traités et décidé de les expédier à Abidjan, sans traitement pour éliminer leur dangerosité, selon les deux ONG.
Amnesty International et Greenpeace dénoncent d’ailleurs le fait que les autorités néerlandaises ont laissé les déchets quitter le pays, en « grave violation de leurs obligations juridiques ».
Un tribunal néerlandais a déclaré Trafigura coupable d’avoir exporté illégalement les déchets depuis les Pays-Bas, mais le parquet a refusé de prendre en considération les événements qui se sont déroulés par la suite à Abidjan comme leur impact sur la santé humaine, selon le rapport.
« Les habitants d’Abidjan ont été trahis non seulement par leur propre gouvernement mais aussi par les gouvernements d’Europe qui n’ont pas appliqué le droit en vigueur dans leur pays », a dénoncé dans un communiqué Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.
« Il n’est pas trop tard pour que justice soit rendue, pour que des informations exhaustives sur la nature exacte des déchets déversés soient communiquées aux habitants d’Abidjan, et pour que Trafigura paie pour ses crimes. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer que ce type de désastre ne se reproduira plus », a jugé Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace International.
De son côté, Trafigura a estimé que le rapport « contient de nombreuses inexactitudes et informations fausses » et « simplifie à l’excès des questions juridiques complexes », selon le communiqué des deux ONG.
Le rapport met en doute le caractère légal d’un accord conclu en Côte d’Ivoire permettant à Trafigura d’échapper à toute poursuite judiciaire pour le rôle qu’elle a joué dans le déversement de déchets.
Il demande aussi à la Côte d’Ivoire de veiller à ce que les victimes soient entièrement indemnisées, alors que la justice ivoirienne a confirmé que des fonds destinés aux victimes avaient été détournés.
Il inclut une série de recommandations pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise.
AFP