Les manifestations contre un film anti-islam, attisées par la publication en France de caricatures de Mahomet, ont repris localement vendredi, jour de la grande prière dans les pays musulmans, en Indonésie et au Pakistan où un homme est mort de ses blessures et deux cinémas ont été incendiés.
Depuis dix jours, plus de trente personnes sont mortes dans des manifestations dirigées contre le film « L’innocence des musulmans », produit aux Etats-Unis et dont un extrait circule sur internet.
Au Pakistan, où les autorités ont décrété ce vendredi jour férié national en l’honneur du prophète Mahomet, deux cinémas de la grande ville du nord-ouest, Peshawar, ont été incendiés par les manifestants en colère.
Au moins 15 personnes, dont trois policiers, ont été blessés lors de ces échauffourées, selon un médecin de l’hôpital Lady Reading, Mukhtar Khan.
« Nous avons reçu 15 blessés pour le moment, dont trois policiers. Certains étaient blessés par balle, d’autres souffraient à cause du gaz lacrymogène et d’autres encore ont reçu des pierres lancées par des manifestants », a indiqué le médecin.
Le chauffeur de la chaîne privée de télévision pakistanaise ARY news, qui faisait partie des blessés, est finalement décédé, ont indiqué plus tard des sources médicales.
Des heurts mineurs ont aussi éclaté à Rawalpindi, ville jumelle d’Islamabad, selon un photographe de l’AFP sur place.
En Indonésie, quelques dizaines de membres du parti islamiste Islamic Defenders Front (FPI) ont brûlé le drapeau américain devant le consulat des Etats-Unis à Medan (Sumatra) en brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: « Insulter le prohète Mahomet mérite la mort » et « Israël et l’Amérique sont des nations terroristes ».
Environ 200 personnes ont également manifesté devant le consulat de France à Surabaya (est de Java) aux cris de « Mort à l’Amérique, mort à la France ».
« Nous exhortons l’Amérique et la France à arrêter d’insulter notre prophète », a lancé un orateur à la foule répondant « Allahu akbar! » (Dieu est le plus grand).
Des échauffourées avaient auparavant mis aux prises plusieurs centaines de policiers aux manifestants qui s’étaient attaqués à un restaurant de la chaîne américaine de fastfood McDonalds.
Les Occidentaux, Paris en tête, craignent que la publication des caricatures en France n’accroisse les tensions et n’entraîne de nouveaux débordements vendredi.
Des petits rassemblements ont eu lieu jeudi à Kaboul et Téhéran. Quelques centaines d’Afghans se sont ainsi rassemblés sans violence pour protester à la fois contre le film et contre la publication mercredi par l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo de caricatures très crues de Mahomet.
La représentation du prophète est strictement proscrite dans la religion musulmane.
A Téhéran, une centaine de manifestants se sont rassemblés jeudi devant l’ambassade de France, en criant « mort à l’Amérique », « mort à Israël » et « mort à la France », mais ont été maintenus à distance par la police.
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a invité les ressortissants français dans les pays musulmans à la prudence, leur conseillant « de préférence
» de rester chez eux vendredi. Il s’est aussi dit « soucieux » pour les soldats français en Afghanistan et au Liban.
Paris a ordonné la fermeture vendredi des ambassades, consulats et écoles françaises dans une vingtaine de pays musulmans.
Les Etats-Unis ont eux annoncé jeudi avoir acheté des espaces publicitaires sur des chaînes de télévision pakistanaises pour diffuser des spots destinés à calmer la colère des musulmans contre le film.
La justice américaine a rejeté jeudi la demande d’une actrice ayant participé au film qui réclamait son retrait du site internet de vidéos YouTube aux Etats-Unis, selon la Cour supérieure de Los Angeles.
YouTube, détenu par Google, a restreint de son côté l’accès au film dans plusieurs pays, à commencer par l’Egypte et la Libye, où ont démarré les violences. D’autres pays, comme le Pakistan et le Soudan, ont bloqué eux-mêmes l’accès à la vidéo, qui dénigre la figure du prophète Mahomet.
Le film anti-islam, de piètre qualité cinématographique, prétend raconter la vie de Mahomet, et présente le prophète et les musulmans en général comme immoraux et violents.
Film « honteux »
Dans ce contexte, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a réaffirmé mercredi soir que le film était « scandaleux » et « honteux ». « La liberté d’expression, qui est un droit fondamental et un privilège, ne doit pas être utilisée abusivement, par un acte aussi scandaleux et honteux » que ce film, a-t-il déclaré.
L’Organisation de la coopération islamique (OCI) a réclamé une action mondiale contre l’incitation à la haine.
« Il est temps pour la communauté internationale de prendre au sérieux les implications dangereuses du discours de haine (…) et de barrer la route à ceux qui se cachent derrière la liberté d’expression », a déclaré son secrétaire général Ekmeleddin Ihsanoglu.
En France, un débat s’est aussi développé sur ce droit considéré comme fondamental dans les démocraties occidentales.
« La liberté de caricature fait partie de ce droit fondamental », avait relevé mercredi le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Mais le chef de la diplomatie Laurent Fabius a jugé que ces caricatures jetaient de « l’huile sur le feu ».
A Paris, la sécurité a été renforcée autour de l’immeuble abritant la rédaction de Charlie Hebdo, et toute manifestation de protestation contre le film ou les caricatures sera interdite, a prévenu le gouvernement.
La France compte la communauté musulmane la plus nombreuse d’Europe, soit entre 4 et 6 millions de personnes, originaires pour la plupart d’Afrique et du Maghreb.
Les Etats-Unis avaient également annoncé mardi « des mesures fortes » pour protéger ambassades et consulats, conseillant jeudi à leurs ressortissants de repousser tout voyage « non essentiel » au Pakistan.
La Tunisie a annoncé jeudi qu’elle interdirait toute manifestation vendredi, à cause de risques « de violences ».
AFP