Les jihadistes installés depuis plus de cinq mois dans le nord du Mali ont coupé lundi à Gao la main et le pied de quatre hommes accusés de braquage, selon des témoins, poursuivant des amputations commencées début août au nom de la charia (loi islamique) qu’ils prétendent appliquer.
Selon un élu municipal et un habitant de Gao, les amputations ont été effectuées par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui contrôle Gao et se partage le vaste nord du Mali avec d’autres groupes armés, dont Ansar Dine (Défenseur de l’islam).
Le Mujao et Ansar Dine sont des alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dont des dirigeants sont régulièrement vus dans les zones qu’ils occupent.
« Les islamistes du Mujao, qui contrôlent Gao, ont coupé aujourd’hui une main et un pied à chacune des quatre personnes » accusées d’avoir braqué un car de voyageurs », a déclaré l’élu municipal sous couvert d’anonymat.
Un autre habitant a confirmé cette information, en précisant qu’il s’agissait de quatre hommes et qu’un cinquième homme accusé des même faits devait subir le même sort.
Joint par l’AFP, un responsable du Mujao a simplement déclaré: « Nous avons appliqué la charia à quatre personnes (lundi). Dans les prochains jours, nous allons continuer à appliquer la charia aux voleurs », confirmant implicitement les quatre amputations mais sans donner de détails.
Selon l’habitant, les amputations ont été effectuées sur la place de l’Indépendance de Gao. Les hommes amputés sont accusés d’avoir attaqué en août un bus de transport entre Gao et Niamey, capitale du Niger voisin.
Un autre résident de Gao a affirmé avoir vu un des hommes se faire amputer puis être conduit vers un centre de santé tenu par les islamistes, lieu différent de l’hôpital public. On ignorait l’état des quatre amputés et la destination des trois autres.
« C’est terrible! (…) Je ne peux que pleurer, la communauté internationale nous abandonne! », a déploré Abdou Sidibé, député de Gao joint à Bamako, qui a affirmé à l’AFP avoir appris les amputations des quatre hommes auprès de plusieurs personnes jointes dans sa ville.
La première amputation publique effectuée par les islamistes dans le Nord remonte au 8 août à Ansongo, localité située à environ 90 km au sud de Gao. Il s’agissait d’un homme accusé d’avoir volé une moto, qui a été mutilé devant des dizaines de personnes par des hommes du Mujao.
La veille, le 7 août, des habitants de Gao mis au courant d’un projet similaire l’avaient empêché en occupant la place où était prévue l’amputation.
Profitant d’un coup d’Etat militaire le 22 mars qui a déstabilisé le pouvoir politique à Bamako, les islamistes ont pris le contrôle du Nord Mali entre fin mars et début avril, en même temps que des rebelles touareg qu’ils ont, depuis, évincés de ces zones. Le 1er septembre, le Mujao a pris sans combat Douentza, ville stratégique de la région de Mopti (sud), proche du Nord.
Tous les jihadistes déclarent vouloir imposer la charia dans le Nord, composé des régions administratives de Kidal, Gao et Tombouctou, ainsi qu’à Douentza.
Au nom de cette loi islamique, ils ont commis de nombreuses exactions en toute impunité, en dehors de la résistance d’une frange de la population.
Le 29 juillet, des hommes d’Ansar Dine ont lapidé à mort, en public, dans la localité de Aguelhok (nord-est) un homme et une femme auxquels ils reprochaient d’avoir eu des enfants sans être mariés.
D’autres couples qu’ils ont jugés « illégitimes », des présumés buveurs d’alcool, fumeurs, voleurs ou violeurs ont aussi été fouettés en public par les islamistes dans plusieurs villes, notamment dans la mythique cité de Tombouctou, où ils ont par ailleurs détruit des tombeaux de saints musulmans vénérés par la population.
Les autorités maliennes, des organisations de défense des droits de l’Homme et l’ONU ont dénoncé ces agissements, mais se sont révélées pour l’heure impuissantes à y mettre un terme.
AFP