Les jours du Premier ministre malien de transition, Cheick Modibo Diarra, semblaient comptés mercredi au lendemain de l’appel à sa démission lancé par les grands partis politiques qui l’accusent « d’incompétence et d’amateurisme » face à l’occupation du Nord par les islamistes.
Dans un communiqué très virulent publié mardi, trois mois jour pour jour après son entrée en fonction, le Front uni pour la défense de la République et de la démocratie (FDR) qui s’était opposé au coup d’Etat du 22 mars, reproche tout spécialement à M. Diarra de n’avoir « aucune stratégie » pour libérer le Nord.
Le FDR regroupe 140 partis politiques, syndicats et organisations de la société civile: parmi eux figure l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, en convalescence à Paris depuis deux mois après une violente agression dans son bureau à Bamako par une foule opposée à son maintien au pouvoir.
Une telle hostilité de la part du FDR rend presque impossible la mise en place d’un gouvernement d’union nationale qu’a promis de former Cheick Modibo Diarra, sous la pression des voisins ouest-africains du Mali excédés par l’impuissance de l’actuel gouvernement à agir, aussi bien dans le Nord qu’à l’encontre des nombreuses exactions commises à Bamako.
Ils lui ont donné jusqu’au mardi 31 juillet pour former ce gouvernement d’union nationale qui ait, en particulier, la légitimité de demander une intervention militaire pour combattre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et ses alliés dans le Nord, ce que n’a jamais fait M. Diarra.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est disposée à envoyer une force de quelque 3.000 hommes avec le soutien technique et logistique de pays comme la France, ancienne puissance coloniale dans la région.
Les chefs d’état-major de la Cédéao se sont réunis mercredi à Abidjan pour examiner les conclusions d’une « mission d’évaluation technique » associant Cédéao, Union africaine (UA) et ONU, qui s’est rendue du 9 au 18 juillet à Bamako en vue d’arrêter les « modalités pratiques » du déploiement de cette force.
« Effectivement, le navire tangue », note un diplomate africain en poste à Bamako. « Nous sommes un certain nombre de pays dans la sous-région (ouest-africaine) à observer que l’actuel gouvernement de transition peine à résoudre les problèmes urgents », dit-il.
Mais « c’est aux Maliens de décider qui doit être leur Premier ministre et la composition de leur gouvernement », a déclaré à l’AFP à Ouagadougou une source au sein de la médiation burkinabè dans la crise malienne.
« Il doit partir »
Aly Diakité, de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM, principale centrale syndicale membre du FDR), estime qu’en vue de la formation d’un gouvernement d’union, M. Diarra offre des « postes à la classe politique. Il n’a aucune légitimité pour ça et il doit partir ».
Un retour rapide à Bamako de Dioncounda Traoré, qui avait nommé Cheick Modibo Diarra, apparaît comme le seul moyen de dénouer la crise rapidement. Une délégation malienne composée de militaires et de civils se trouvait à Paris pour discuter d’un tel retour, a appris l’AFP de sources concordantes.
« La médiation souhaite que le président par intérim Dioncounda Traoré puisse rentrer au Mali avant le 31 juillet », a souligné la source burkinabè.
Après l’agression qu’il a subie le 21 mai à Bamako, au cours de laquelle il a été frappé par des dizaines de jeunes surexcités, M. Traoré ne peut rentrer que dans des conditions de sécurité que ne semble pas en mesure de lui offrir une armée malienne en pleine déconfiture.
Les hommes du capitaine Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d’Etat qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré le 22 mars – précipitant la chute du nord du pays aux mains des islamistes – continuent à agir à Bamako en toute impunité, bien qu’ils aient accepté de rendre le pouvoir le 6 avril.
Ils sont accusés d’y avoir commis de nombreuses exactions contre des hommes politiques, hommes d’affaires et journalistes supposés proches du président renversé, sans qu’aucune enquête n’ait à ce jour abouti.
Au moins 20 soldats présumés proches du dirigeant renversé sont portés disparus depuis fin avril, selon Human Rights Watch qui accuse « des soldats fidèles » au capitaine Sanogo d’en être responsables et qui craint qu’ils ne soient morts.
AFP