Le président égyptien, l’islamiste Mohamed Morsi, a affirmé mercredi respecter la dernière décision de la Haute cour constitutionnelle (HCC) qui a suspendu son décret visant à rétablir le Parlement dissous, sur fond de lutte de pouvoir avec l’armée.
Cette déclaration semble viser à calmer le jeu alors que M. Morsi se trouve en pleine épreuve de force avec les militaires et la justice, entraînant une crise institutionnelle dix jours après son investiture.
« Même si le jugement de la Cour constitutionnelle hier revient à empêcher le Parlement d’assumer ses responsabilités, nous respectons cela parce que nous sommes un Etat de droit », a indiqué la présidence dans un communiqué.
« Il y aura des consultations avec les forces (politiques), les institutions et le Conseil suprême des forces armées (CSFA) afin que les autorités puissent sortir (de cette crise) en suivant la voie légale », a-t-elle poursuivi.
Le 14 juin, la HCC avait invalidé le Parlement, dominé par les islamistes, en raison d’un vice dans la loi électorale.
Le CSFA s’était alors attribué le pouvoir législatif, provoquant la colère de ceux qui veulent le départ du pouvoir des militaires, à qui Hosni Moubarak, chassé par la rue en février 2011, avait remis les rênes du pays.
Dimanche, M. Morsi, issu des Frères musulmans, a ordonné par décret le rétablissement du Parlement qui s’est réuni mardi en présence de députés des Frères musulmans et des fondamentalistes salafistes.
Des élus d’autres partis notamment libéraux ont boycotté la session, certains qualifiant le décret de « coup d’Etat constitutionnel ».
A l’ouverture de la session, le président de la chambre basse, le Frère musulman Saad al-Katatni, a assuré que le Parlement ne contrevenait pas à la loi en siégeant malgré tout.
Il a indiqué que le Parlement avait renvoyé l’affaire de l’invalidation de la chambre basse devant la Cour de Cassation.
« Protéger » la Constitution
Mardi soir, la HCC a contre-attaqué en suspendant le décret présidentiel, et des milliers de personnes ont aussitôt convergé vers l’emblématique place Tahrir, au Caire, pour manifester leur soutien à M. Morsi et scander des slogans hostiles à l’armée, jugée de mèche avec la HCC.
« La bataille pour le pouvoir se joue autour de l’appareil judiciaire », écrivait mercredi le quotidien indépendant al-Watan, tandis que le journal Al-Shorouk, indépendant également, titre en Une « la lutte pour le pouvoir se joue dans les tribunaux ».
Pour l’écrivain Alaa al-Aswany, le « message est clair: le président élu ne peut exercer le pouvoir sans les militaires ».
« La Cour constitutionnelle, dont les juges ont été désignés par Moubarak, ont suspendu le décret présidentiel et rétabli le décret du maréchal », Hussein Tantaoui, chef du CSFA, commente-il.
Il faisait allusion à une « Déclaration constitutionnelle complémentaire » adoptée par les militaires le 17 juin, qui a considérablement affaibli la fonction présidentielle.
Les Frères musulmans avaient accusé les militaires d’avoir orchestré la dissolution du Parlement pour s’adjuger le pouvoir législatif, dénonçant un véritable « coup d’Etat ».
Mais la HCC a assuré qu’elle « n’était partie prenante dans aucune lutte politique » et que sa mission était de « protéger » la Constitution.
En attendant, le sort du Parlement demeure totalement dans le flou.
La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, qui doit rencontrer M. Morsi ce week-end, a réclamé un « dialogue intensif entre tous les protagonistes » en Egypte, tandis que le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s’est dit confiant que l’Egypte surmonterait la crise.
AFP