Des attaques d’éleveurs musulmans dans le centre du Nigeria – de nature différente des attentats islamistes du nord – ont fait plus de 100 morts chrétiens dont deux élus, ce week-end, amenant le gouverneur régional à renforcer le couvre-feu, a-t-on appris lundi de sources officielles.
L’Etat du Plateau, où ont eu lieu les massacres, est situé sur la zone de contact entre le sud, majoritairement chrétien, et le nord principalement peuplé de musulmans.
Les attaques contre des chrétiens d’ethnie Berom ont été attribuées par les autorités à des hommes armés de l’ethnie Foulani, aussi appelés Peuls, une tribu pastorale musulmane ayant de fortes revendications territoriales.
Lors du premier assaut samedi, au moins 80 personnes ont été tuées avec des armes à feu et des machettes dans plusieurs villages, a indiqué lundi à l’AFP le porte-parole du gouverneur du Plateau, Pam Ayuba.
Au moins 22 autres personnes ont ensuite péri dimanche, au cimetière de Barkin-Ladi, à 90 km de la capitale locale Jos, alors qu’elles participaient aux funérailles des victimes de la veille, a affirmé M. Ayuba.
Parmi les victimes au cimetière figurent deux hommes politiques, le sénateur fédéral Gyang Dantong et le député Gyang Fulani, également des Berom, ont indiqué la police ainsi que des responsables de l’Etat du Plateau.
Quand la nouvelle de leur mort s’est répandue, la population a érigé des barricades, incitant le gouverneur Jonah Jang a imposer un couvre-feu nocturne dans quatre zones.
Le président du Sénat fédéral David Mark, troisième responsable politique du Nigeria, a qualifié ces tueries d' »assassinat ».
« En tant que nation, nous devons nous élever contre ceux qui sont déterminés à nous ramener à l’état de nature, quand la vie avait peu ou pas de valeur », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Lundi le couvre-feu a été étendu: les habitants n’ont le droit de sortir qu’entre midi et le coucher du soleil, et les commerces doivent rester fermés pendant les deux jours à venir, selon un communiqué du gouverneur du Plateau diffusé à la télévision et à la radio locales. « Le but est de ramener le calme », a expliqué le porte-parole, M. Ayuba.
« On a amené des renforts en hommes et en logistique » pour assurer le couvre-feu et le calme dans la région, a indiqué Frank Mba, porte-parole de la police nationale, à l’AFP.
Un conflit aux multiples facettes ethniques, économiques et religieuses
Les effusions de sang dans l’Etat du Plateau, qui ont fait des centaines de morts musulmans et chrétiens, surtout autour de la ville de Jos, depuis trois ans sont le résultat de plusieurs conflits simultanés.
Outre sa dimension religieuse, le conflit oppose des éleveurs Foulani (proches des Haoussas) qui se plaignent d’être marginalisés par les Berom, un groupe ethnique composé d’agriculteurs sédentaires chrétiens.
Le président actuel du Nigeria, Goodluck Jonathan, est un chrétien du Sud.
Un représentant des Foulani Saleh Bayeri, de l’association des éleveurs MACBAN, a souligné que sa communauté est elle-même victime de violences: « il est possible qu'(ils aient mené des actes de représailles », a-t-il dit à l’AFP. Ils ont ont perdu des pâturages et du bétail, « des membres de leur famille », n’ont plus de travail et « cela est dangereux », a estimé M. Bayeri.
Le Nigeria est aussi frappé depuis des mois par de nombreux attentats meurtriers revendiqués par la secte islamiste Boko Haram, le plus souvent contre les représentants de l’Etat et la minorité chrétienne, dans le Nord à majorité musulmane. Depuis l’été 2009, Boko Haram a revendiqué plus de 1.000 morts.
Le mois dernier, des attentats avaient visé trois églises dans les deux principales villes de l’Etat de Kaduna et provoqué des représailles immédiates de jeunes chrétiens, avec un bilan officiel de 52 morts et 150 blessés.
La capitale fédérale Abuja a aussi été touchée, notamment par un attentat contre le siège de l’ONU qui a fait 25 morts en août dernier.
Pays le plus peuplé d’Afrique avec quelque 160 millions d’habitants, le Nigeria est le premier producteur de pétrole d’Afrique.
AFP