Les pirogues glissent sans bruit sur l’eau noire de Makoko, un bidonville sur pilotis qui grignote chaque jour un peu plus la lagune de Lagos tandis que sa population, à l’image de celle du continent africain, ne cesse de croître. Des dizaines de milliers de personnes vivent dans ces taudis de la capitale économique nigériane. Les conditions sanitaires y sont déplorables et il n’y a plus de place, ou presque, pour personne, selon l’un des chefs traditionnels, Jeje Albert Ayede, qui dit rejeter de nouveaux arrivants.
Lundi, la population mondiale atteindra officiellement sept milliards d’êtres humains, selon les Nations unies.
L’Asie est de loin le premier continent en nombre d’habitants mais l’Afrique celui dont la population augmente le plus vite. Ainsi, le Nigeria, son pays le plus peuplé avec 160 millions d’individus, devrait atteindre les 400 millions d’ici 2050, d’après les estimations de l’Onu.
Les défis sont importants, reconnaît le ministre de l’Environnement de l’Etat de Lagos, Tunji Bello, en termes de logement, de transport, d’emploi et de sécurité.
« Mais une population importante n’est pas un désastre, c’est aussi un avantage énorme, la Chine en est un exemple clair, l’Inde aussi », ajoute M. Bello, soulignant l’intérêt des investisseurs étrangers pour de tels marchés.
Tous les observateurs s’accordent sur l’énorme potentiel du Nigeria, dont la population est souvent décrite comme créative et ayant un sens aiguisé des affaires.
Puissance pétrolière, le pays tire annuellement des milliards de dollars de l’exploitation de ses sous-sols. Mais la corruption élevée a jusqu’à présent largement freiné son développement.
Selon la Banque mondiale, il y aurait dans le pays jusqu’à 50 millions de jeunes sans emploi ou sous-employés. « Une bombe à retardement », estime John Litwack, économiste en chef de l’organisation au Nigeria, où la criminalité est déjà élevée. L’une des réponses, selon Tunji Bello, c’est « d’encourager les investisseurs à venir au Nigeria, à y établir des industries, des activités commerciales pour créer des emplois ».
Dans une petite école perchée sur pilotis de Makoko, des enfants en uniforme bleu et jaune répètent après la maîtresse, Debby Jonathan. Agée de 18 ans, elle affirme gagner 8.000 nairas par mois, soit 35 euros.
A l’extérieur, c’est un ballet de pirogues. Makoko est une communauté de pêcheurs, les hommes partent tôt le matin avec leurs filets et les femmes fument et vendent ce qu’ils ont attrapé. Mariri Kpote, une vendeuse ambulante de médicaments croisée sur l’eau, affirme que « Makoko n’était pas grand comme ça avant ». Elle y est née, ainsi que ses quatre enfants. Comme elle, beaucoup ici ont leurs origines au Bénin voisin.
Selon le chef Jeje Albert Ayede, les habitants du bidonville n’ont pas les moyens d’habiter ailleurs à Lagos. « L’argent qu’il faudrait dépenser au dehors, ils ne l’ont pas », dit-il.
Les autorités de la mégapole souhaitent démanteler les taudis comme Makoko. « Si vous ne faites pas attention, c’est un désastre environnemental en devenir », assure Tunji Bello.
Le gouvernement de Lagos projette notamment de construire des logements destinés à des locataires à faibles revenus. Mais il attend aussi davantage d’investissement de la part des autorités fédérales, qui n’ont jusqu’à présent pas joué leur rôle, selon M. Bello.
AFP