Le procès en appel de l’ex-président du Liberia Charles Taylor, condamné en première instance à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, s’est ouvert mardi devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) en présence de l’accusé.
Vêtu d’un costume sombre, d’une chemise blanche et d’une cravate rouge, Charles Taylor, 64 ans, a écouté attentivement le représentant de l’accusation Nicholas Koumjian, lors d’une audience publique à Leidschendam, dans la banlieue de La Haye, ouverte à 10H00 (09H00 GMT). La défense aura la parole dans l’après-midi.
Le TSSL « devrait tenir pour responsable non seulement ceux qui ont perpétré les crimes, mais également ceux qui les ont soutenus, c’est extrêmement important », a soutenu M. Koumjian. « Ils sont tout aussi importants et cela inclut les seigneurs de guerre qui vendent des armes lors de ces conflits », a-t-il ajouté.
« C’est le premier procès d’un chef d’Etat et cela a des conséquences énormes », a poursuivi M. Koumjian en référence au fait que M. Taylor avait été en 2012 (bien 2012 ) le premier ex-chef d’Etat condamné par la justice internationale depuis le tribunal militaire de Nuremberg, qui jugea les responsables nazis après la Seconde Guerre mondiale.
Président du Liberia de 1997 à 2003, Charles Taylor avait été reconnu coupable en avril dernier d’avoir « aidé et encouragé » une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone, dans le but d’exploiter ses diamants, pendant une guerre civile ayant fait 120.000 morts entre 1991 et 2001 et marquée par des nombreux actes de cannibalisme et mutilations.
Le procès en première instance avait notamment été marqué par le témoignage du mannequin britannique Naomi Campbell, qui avait assuré avoir reçu des diamants bruts de la part de Charles Taylor à l’issue d’un dîner organisé en 1997 en Afrique du Sud par l’ancien président sud-africain Nelson Mandela.
Selon les juges, qui l’avaient condamné à 50 ans de prison le 30 mai 2012, Charles Taylor avait notamment fourni, en échange de diamants, des armes et des munitions aux rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) sans pour autant avoir le contrôle direct de ces rebelles.
L’accusé, qui plaide non coupable, et le procureur, qui souhaite que M. Taylor soit condamné à une peine de 80 ans de prison et estime qu’il aurait également dû être reconnu coupable d’avoir donné des ordres directs aux rebelles en plus de les avoir aidés, ont tous deux interjeté appel.
« Ceux qui apportent sciemment de l’aide, ce sont ceux qui devraient être tenus responsables. C’est la différence entre nous et la défense », a soutenu M. Koumjian.
« Selon eux, tant que le but n’est pas de commettre des crimes mais de tirer des avantages, dans le cas de Charles Taylor et des diamants de Sierra Leone, et bien alors tout va bien, on n’est pas responsable d’avoir aidé et encouragé », a poursuivi le représentant de l’accusation, arguant qu’adopter ce raisonnement « serait un grand pas en arrière pour la justice internationale ».
Le procès en appel est prévu pour durer deux jours, mardi et mercredi. Les arguments échangés seront principalement techniques, les parties ayant estimé que les juges de première instance ont commis des erreurs en droit.
L’avocat de M. Taylor, Morris Anyah, avait indiqué dans des documents officiels rendus publics avant le procès, que le jugement en première instance était rempli « d’erreurs de faits, d’inexactitudes, de contradictions ».
Délocalisé de Freetown à La Haye en 2006 pour des raisons de sécurité, le procès de M. Taylor, interpellé au Nigeria en 2006, s’était ouvert le 4 juin 2007 et achevé le 11 mars 2011.
AFP