L’islamiste Ali Larayedh est devenu officiellement Premier ministre de Tunisie jeudi, avec comme lourde tâche de remettre le pays sur les rails, le jour des obsèques d’un vendeur ambulant qui s’est immolé, rappelant le suicide à l’origine de la révolte de 2011.
S’exprimant après la passation de pouvoir, le Premier ministre sortant Hamadi Jebali a appelé à soutenir son successeur car « celui qui parie sur l’échec du (nouveau) gouvernement parie sur l’échec de l’expérience » démocratique tunisienne.
M. Larayedh a promis que son équipe, qui a reçu mercredi la confiance de l’Assemblée nationale constituante (ANC), sera à l’écoute des « soucis de la nation et du peuple ».
Hamadi Jebali a démissionné il y a près d’un mois, après le refus de son propre parti islamiste Ennahda de former un gouvernement apolitique pour sortir la Tunisie d’une profonde crise politique, sociale et institutionnelle aggravée par l’assassinat le 6 février de l’opposant Chokri Belaïd.
M. Larayedh, issu lui aussi d’Ennahda, a été désigné pour lui succéder et après de longues négociations il a reconduit une alliance malaisée entre islamistes et deux partis laïques tout en l’élargissant à des indépendants.
Il a promis de résoudre dans l’année la crise institutionnelle en faisant adopter la Constitution et en organisant des élections, de créer les conditions de la reprise économique et de rétablir la sécurité dans le pays où l’état d’urgence est toujours en vigueur.
Plus de deux ans après une révolution motivée par la misère, la Tunisie est toujours minée par une économie anémique entretenant une crise sociale dont la dernière illustration a été l’immolation par le feu mardi d’un jeune vendeur ambulant, Adel Khazri, 27 ans, à Tunis.
Son enterrement jeudi à Souk Jemaa dans le nord-ouest tunisien, s’est transformé en manifestation anti-Ennahda. Des centaines de personnes ont participé à ses funérailles scandant « Avec notre âme et notre sang nous nous sacrifions pour notre martyr » et « Ennahda dégage ».
Des dizaines de jeunes ont ensuite manifesté dans la capitale régionale, Jendouba, contre la pauvreté et le chômage, causes au coeur de la révolution qui avait déjà été déclenchée par l’immolation d’un vendeur ambulant et avait renversé le président Zine Al Abidine Ben Ali.
« Aucun responsable du pays n’a pris la peine de venir présenter ses condoléances à la famille! Adel est mort comme un chien », a lancé l’un des manifestants, Mohamed Bousselmi. Dès lors, les journaux étaient nombreux à estimer que le nouveau cabinet n’a « pas droit à l’erreur ».
Pour Le Quotidien, « les intentions sont bonnes » mais M. Larayedh n’a pas présenté « de programme politique précis. (…) Attendons de voir pour juger sur pièces. Le temps des miracles n’est peut-être pas encore révolu ».
Ali Larayedh a promis de résoudre cette année la crise institutionnelle en faisant adopter la Constitution et en organisant des élections, et de créer les conditions de la reprise économique tout en rétablissant la sécurité. Dans un bref entretien accordé à l’AFP, il a souligné que les principales menaces pesant sur la Tunisie étaient le « terrorisme » et les violences sociales.
La Tunisie est confrontée à l’essor de groupuscules salafistes armés, responsables, selon les autorités, notamment de l’attaque de l’ambassade américaine en septembre 2012 et de l’assassinat de Chokri Belaïd.
Pour aider à résoudre la crise sociale et s’attaquer au chômage (17%), M. Larayedh a dit viser la création de 90.000 emplois en 2013, sans pour autant exposer de programme.
Il n’a pas non plus indiqué si Ennahda était prêt à renoncer à l’instauration d’un régime parlementaire pour débloquer la rédaction de la Constitution, d’autres forces politiques souhaitant que le président dispose de prérogatives réelles.
AFP