La justice a prononcé jeudi la liquidation de Plysorol, ultime épisode d’une agonie de plusieurs années pour les 277 salariés français convaincus que l’ex-leader européen du contreplaqué a été spolié de ses précieuses forêts au Gabon par ses repreneurs.
« Voleur », ont crié des salariés lorsque le dernier propriétaire de Plysorol le Libano-Ghanéen Ghassan Bitar, a quitté en voiture le tribunal de commerce de Lisieux (Calvados), siège de la société qui employait au début des années 2000 encore plus de 1.000 personnes en France selon la CGT.
Pour la secrétaire CGT du comité central d’entreprise (CCE) de Plysorol, Marie-Christine Malet, « nous avons affaire à un véritable patron voyou qui est venu piller les richesses de la société avant de laisser 280 personnes sur le carreau ».
L’entrepreneur n’a pas apporté les 700.000 euros promis en juillet et qui étaient indispensables à un plan de continuation.
« La parole de votre actionnaire n’a pas été honorée. Nous avons la preuve qu’il y a eu spoliation des forêts gabonaises », a lancé Me Philippe Brun, l’avocat du CCE, qui réclame au parquet des poursuites à l’encontre de M. Bitar.
Mine d’or de Plysorol, les droits d’exploitation de 600.000 hectares de forêt gabonaise, qui permettent de produire l’okoumé, le composant clé du contreplaqué, avaient été transférés début 2012 à une autre société du groupe Bitar.
Le jugement d’octobre 2010 qui autorisait la reprise de Plysorol par M. Bitar interdisait pourtant toute cession d’actifs. Mais, selon le parquet de Lisieux interrogé par l’AFP, la responsabilité de M. Bitar dans le transfert n’est pas clairement établie.
Huées des salariés
En attendant, c’est la seconde fois en moins de quatre ans qu’un repreneur de Plysorol part sous les huées des salariés, moins de deux ans après avoir été accueilli en sauveur. En 2010, c’était le Chinois Guohua Zhang, qui laissait l’entreprise à l’agonie. Il fait toujours l’objet d’une enquête pour abus de bien social et banqueroute.
« Comment voulez-vous que les gens ne pètent pas un câble? On est écoeurés que l’Etat laisse faire ça », a lancé Nadège Mallard, déléguée CGT du site de Fontenay-le-Comte (Vendée). Plysorol emploie 112 personnes dans son usine, 70 à Lisieux, siège de la société qui y produisait du contreplaqué depuis 1912, et 95 à Epernay, dans la Marne.
Les quelque 150 à 200 salariés présents jeudi sont toutefois repartis dans le calme, après l’annonce du jugement, marchant silencieusement, souvent tête baissé, pleurant parfois.
« Depuis 2008, c’est la douzième ou quinzième fois qu’on vient au tribunal. Bitar semblait crédible pourtant. Il connaissait nos produits, nos machines. Et puis, en fait, sa seule finalité comme pour Zhang, c’est la forêt du Gabon », a confié Daniel Delacrouée, 59 ans, responsable des achats à Lisieux.
« Ce démantèlement minutieux a privé Plysorol de son principal patrimoine et l’a donc condamné à une mort certaine. Tout laisse à penser qu’il s’agit d’un dépeçage organisé », a réagi le sénateur et président du conseil général UMP de Vendée Bruno Retailleau.
La série noire a démarré en novembre 2008. Plysorol, alors filiale française du groupe portugais Sonae Industria, appelée Isoroy jusqu’en 2000, est placée en redressement judicaire.
En mars 2009, Guohua Zhang, via sa société Honest Timber (« bois honnête ») rachetait Plysorol, en promettant de conserver les 470 emplois d’alors pendant trois ans. Une proposition du groupe Bitar, avec 50 suppressions d’emploi, est alors écartée par le tribunal de commerce.
Un an plus tard, Plysorol dépose son bilan. Et en octobre 2010 le Libano-Ghanéen est choisi comme repreneur, moyennant la suppression de 151 emplois. Une expertise atteste alors de son sérieux.
AFP
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