Les familles de victimes du naufrage du ferry sénégalais Le Joola, qui a officiellement fait 1.863 morts il y a dix ans, ont commémoré le drame dans la sobriété au Sénégal, se recueillant dans des cimetières près de Dakar et en Casamance (sud).
« Le Joola: 2002-2012. Dix ans après, la Nation se souvient », pouvait-on lire sur des T-shirts frappés d’un dessin du bateau, portés par des membres de familles de victimes au cimetière de naufragés de Mbao, dans la périphérie est de Dakar.
« Tout le Sénégal a subi dans la douleur cette tragédie du Joola », a déclaré à la presse le ministre sénégalais de l’Aménagement du territoire et des Collectivités locales, Cheikh Bamba Dièye, qui y a dirigé la délégation officielle.
Le ferry a chaviré de nuit et par mauvais temps, le 26 septembre 2002, au large de la Gambie voisine, alors qu’il reliait Ziguinchor à Dakar. Il y a eu 64 rescapés et 1.863 morts et disparus de 12 nationalités, selon le bilan officiel. Une des pires catastrophes maritimes de l’Histoire.
« Dix ans après, la douleur est toujours aussi présente, voire plus parce que beaucoup de choses n’ont pas été faites », a déclaré à l’AFP Maïmouna Badji, 22 ans, rendue orpheline par le naufrage.
« On aurait souhaité que le bateau soit renfloué », pour « voir le dernier endroit où ont été les gens qu’on a aimés (…) Mais rien n’a été fait jusqu’à présent. On n’a que ça pour le souvenir », a-t-elle ajouté, en désignant les tombes, des sanglots dans la voix.
Dans l’enceinte du cimetière de Mbao, des chefs religieux musulmans et chrétiens ont dit des prières, des proches des disparus – femmes, hommes, enfants, se sont recueillis devant les tombes anonymes.
A Ziguinchor, principale ville de Casamance, l’heure était également au recueillement. Familles de victimes et représentants du gouvernement, conduits par le ministre des Forces armées Augustin Tine, se sont recueillis à Kantène, cimetière de naufragés dans la périphérie sud de la ville.
Tous se sont ensuite rendus au port de Ziguinchor, où ils ont jeté des bouquets de fleurs dans le fleuve Casamance, avant de déposer une gerbe de fleurs au pied d’une stèle érigée Place des naufragés, toute proche, en présence de plusieurs centaines de personnes.
L’archidiocèse de Dakar a annoncé qu’une messe de requiem serait célébrée « dans toutes les paroisses » à différentes heures mercredi.
Mercredi après-midi, le Premier ministre Abdoul Mbaye devait déposer une gerbe de fleurs à Dakar sur la Place du souvenir, face à l’océan Atlantique, un site où des familles réclament la construction d’un « mémorial-musée Le Joola ».
Comme chaque année depuis dix ans, les proches des disparus ont réclamé le respect des promesses des autorités sénégalaises: en plus d’un « mémorial-musée », la prise en charge des orphelins, le renflouement de l’épave du bateau et un procès.
En 2003, la justice sénégalaise a classé sans suite le dossier du Joola, arguant que le commandant du ferry, seul maître à bord et, selon elle, principal responsable du drame, avait péri dans l’accident.
« Nous sommes toujours dans l’attente de la justice sénégalaise (…) par rapport à ce dossier », qui « est au frigo », a dit à l’AFP Malang Badji, un rescapé.
Depuis l’élection de Macky Sall à la présidence en mars, après dix ans de pouvoir d’Abdoulaye Wade (2000-2012), le nouveau pouvoir semble disposé à « remettre sur la table » tout le dossier Joola, ont cependant estimé des responsables d’associations sénégalaises.
« Lorsqu’il s’agira d’engagement entre Sénégalais, la règle d’or sera de tout reprendre en charge, parce qu’il est clair qu’il y a deux manières de gérer ce dossier: une manière ante et la nouvelle manière, qui s’inscrit dans la rupture, dans la proximité et dans le fait aussi de travailler auprès des victimes », a dit mercredi le ministre Cheikh Bamba Dièye.
AFP