A la fermeté affichée par Paris, qui répète sa détermination à lutter contre le terrorisme au Mali et son soutien à une intervention militaire, répond l’angoisse des familles des six otages détenus au Sahel et des questions sur les marges de manoeuvre de la France.
Après chaque nouvel événement dramatique – diffusion d’une vidéo, menaces proférées par les jihadistes sur la vie des otages – François Hollande reçoit les familles des Français détenus par Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) au Sahel.
Mais Paris ne dévie pas de la ligne extrêmement ferme affichée depuis plusieurs mois. Et se refuse, officiellement du moins, à faire entrer la question des otages dans l’équation complexe d’une intervention militaire africaine au nord du Mali, occupé depuis six mois par des groupes liés à Aqmi qui sèment la terreur.
M. Hollande a encore réitéré ce week-end à Kinshasa « la détermination » de la France et son soutien à une intervention africaine au nord Mali. Celle-ci pourrait avoir lieu « dans quelques semaines », a assuré mardi son ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian.
Quelques jours avant, M. Hollande avait insisté sur les « deux devoirs » de la France: « Libérer nos otages et libérer le Mali des terroristes ».
« Il semble qu’il y a un changement de braquet. A l’époque Sarkozy, l’accent était mis sur les otages, et là on parle davantage intervention » militaire, note Pierre Boilley, historien et chercheur spécialisé sur le Sahel et le Sahara.
Ce discours de fermeté a d’ailleurs entraîné des réponses d’Aqmi ou de ses affidés, qui depuis un mois « se sont rappelés au bon souvenir de l’Etat français », souligne M. Boilley.
Les otages « sont dans une bonne situation », a ainsi déclaré lundi soir à France 2 un homme présenté par la chaîne comme un porte-parole d’Aqmi qui a accusé les autorités françaises de « manquer de sérieux » dans les négociations en ne répondant pas à des « demandes pourtant légitimes et raisonnables ».
Les familles ont, elles, « du mal à comprendre ce qui se trame. Quel est l’objectif d’une mission militaire au nord du Mali ? A-t-on l’intention d’éliminer les chefs d’Al-Qaïda ? Et dans ce cas, le gouvernement a-t-il prévu une mission simultanée pour sauver les otages ? » interroge Pascal Lupart, président du comité de soutien des otages Philippe Verdon et Serge Lazarevic.
« Pour nous? s’il y a conflit c’est l’angoisse absolue », a déclaré mardi Jean-Pierre Verdon, le père de Philippe Verdon, reçu la veille par François Hollande.
« Le discours de François Hollande était rassurant mais il ne nous a pas apporté d’éléments concrets nouveaux », a expliqué pour sa part Diane Lazarevic, la fille de Serge Lazarevic.
« Arrêter de payer »
Pour le député socialiste François Loncle, co-auteur d’un rapport parlementaire sur « le Sahel pris en otage », la fermeté est cruciale pour « stopper la machine infernale » des prises d’otages.
« Il faut arrêter de payer. Je comprends que c’est difficile à admettre pour les familles, mais tout tourne autour de ça », martèle-t-il, rappelant que la Grande-Bretagne, un des rares pays à ne pas verser de rançon, « n’a plus d’otages » au Sahel. Londres a payé le prix fort, avec un ressortissant, Edwin Dyer, exécuté en 2009 au Mali.
Paris paye-t-il ? « Il y a une vraie réflexion en cours, c’est une question de philosophie d’Etat », confiait récemment à l’AFP un haut responsable français.
Depuis 2003, les enlèvements au Sahel ont rapporté quelque 50 millions de dollars (environ 38 millions d’euros) aux preneurs d’otages, selon des sources proches du dossier au Mali.
« Il faut absolument une approche internationale plus rigoureuse face à une affaire aussi grave », lance M. Loncle, en fustigeant « la faiblesse, pour ne pas dire la lâcheté de l’Union européenne sur ce sujet ».
Paris, « vaguement soutenu » par des Américains en campagne électorale et par les Britanniques, reste « complètement isolé » sur le dossier malien, estime M. Boilley, qui s’interroge sur les marges de manoeuvre de la France au Mali.
La France a répété ces derniers jours qu’elle soutiendra « logistiquement et matériellement » une éventuelle force internationale, mais a exclu l’envoi de troupes au sol.
AFP