Le Premier ministre japonais Yoshihiko Noda a agité lundi le spectre d’une paralysie complète de l’Etat, déjà lourdement endetté, pour forcer l’opposition à voter une loi de financement le plus tôt possible.
« Si la situation continue, les services administratifs vont se retrouver à l’arrêt, ce qui pèsera sur la vie quotidienne des gens et entravera la reprise économique », a déclaré M. Noda devant la Chambre des députés.
A l’instar des Etats-Unis pendant l’été 2011, le Japon est au bord de la cessation de paiement à cause d’un désaccord entre majorité et opposition. A Tokyo, le blocage se cristallise autour d’une loi purement technique.
D’habitude, l’adoption de ce texte qui autorise le gouvernement à émettre les obligations nécessaires au fonctionnement des services centraux de l’Etat s’apparente à une formalité, mais il est bloqué actuellement au Sénat.
Le principal mouvement de droite, le Parti Libéral-Démocrate (PLD), a en effet décidé cette année de ne pas le voter tant que M. Noda n’aurait pas dissout la Chambre des députés afin de convoquer des élections législatives anticipées.
M. Noda a appelé à « des discussions franches entre la majorité et l’opposition » et à « cesser d’utiliser la loi d’émission des obligations comme une carte politique », alors que des dépenses au profit des collectivités locales ont déjà dû être reportées.
Le Parti Démocrate du Japon (PDJ, centre-gauche) de M. Noda est majoritaire à la Chambre des députés mais minoritaire au Sénat; or, le feu vert des deux chambres du Parlement est nécessaire au passage de cette loi budgétaire.
A défaut, le gouvernement de la troisième puissance économique mondiale pourrait se retrouver à court d’argent dès le début décembre, bien que la plupart des analystes jugent cette hypothèse peu vraisemblable.
« L’arrêt des services gouvernementaux est possible sur le papier, mais cela n’arrivera pas », a affirmé David Rea, de l’institut de recherche Capital Economics.
Les deux principaux partis ont trop à perdre à créer le chaos par leur inaptitude à s’entendre, « aussi il est très improbable qu’un accord ne soit pas trouvé avant la fin novembre », a-t-il souligné.
Le conflit porte sur la date des élections législatives anticipées, que M. Noda a promises au PLD en échange de son soutien au vote d’une augmentation de la taxe sur la consommation, obtenu en août.
A l’époque, le Premier ministre avait promis de dissoudre la Chambre des députés « dans un proche avenir », une expression vague au coeur du blocage actuel.
Les législatives doivent se tenir au plus tard à l’été 2013, mais la droite réclame un scrutin au plus vite pour bénéficier de l’impopularité de l’exécutif, accusé de mauvaise gestion des suites de l’accident nucléaire de Fukushima, de faiblesse diplomatique face à la Chine et d’indécision économique et sociale.
Ce contretemps parlementaire pourrait ne constituer qu’une péripétie, si elle ne mettait en lumière les blocages structurels de la vie politique dans un Japon lesté de la plus lourde dette des pays développés.
Le pays est endetté à hauteur de 236% de son produit intérieur brut (PIB) en 2012 (quelque 10.000 milliards d’euros), a souligné le FMI dans son dernier rapport mondial sur le sujet, un taux bien supérieur à ceux des Etats européens menacés par les marchés comme la Grèce (170%), l’Italie (126%) ou l’Espagne (90%).
Plus de 90% de la dette du Japon est il est vrai détenue par des Nippons, ce qui met ses finances publiques à l’abri des sautes d’humeur des investisseurs internationaux. Le pays dispose en outre d’amples réserves de change et d’une monnaie forte.
Mais ce trou se creuse rapidement, avec un déficit public estimé à 10% par le FMI cette année, et pourrait se transformer en un fardeau insupportable pour les générations à venir, d’autant que les naissances sont rares et la population vieillissante, avertissent nombre d’experts.
AFP