Le 18e congrès du PC chinois s’est ouvert jeudi devant plus de 2.000 délégués sur un cri d’alarme du président sortant, Hu Jintao, qui a prévenu que la corruption endémique du pays pourrait être « fatale » au régime et appelé à plus de démocratie dans une économie réorientée vers la consommation intérieure.
Hu Jintao, 69 ans, qui doit céder son poste de secrétaire général du PCC à Xi Jinping, 59 ans, a également appelé à faire de la Chine une « puissance maritime », à l’heure où elle dispute au Japon et d’autres voisins la souveraineté d’îles en mer de Chine. Pékin a lancé son premier porte-avions en septembre.
Dans l’enceinte solennelle du Palais du peuple, sur la place Tiananmen sévèrement bouclée pour l’occasion, Hu Jintao, qui a fait de son pays la deuxième puissance mondiale au cours des 10 ans de sa présidence, a prononcé un discours de 90 minutes à la fin duquel il s’est alarmé de la corruption galopante qui ronge le pays.
« Si nous échouons à traiter cette question correctement, elle pourra s’avérer fatale » et provoquer « l’effondrement du parti et de l’Etat », a-t-il lancé, en allusion aux scandales politico-financiers impliquant les familles des plus hauts dirigeants, dont un membre du Bureau politique, Bo Xilai, exclu du parti et en attente de jugement.
Non loin, dans la station de métro « Tian Anmen Est », l’AFP a assisté à l’interpellation d’une trentaine de jeunes Chinois par une escouade de policiers en uniforme. Ils ont été embarqués vers une destination inconnue.
En matière économique, Hu Jintao a appelé à mettre en oeuvre « un nouveau modèle de croissance » tourné vers la consommation plus que vers les exportations. Il a fixé comme objectif d’ici 2020 le « doublement du PIB » et du revenu par tête, actuellement de quelque 3.500 dollars/an dans les villes.
Un objectif réalisable, selon le chef économiste de la Bank of Communications de Shanghai, Lian Ping: « la demande intérieure tirera l’économie chinoise à un rythme de 7 à 8% l’an. Au bout de 10 ans, le doublement du PIB est très probable », a-t-il déclaré à l’AFP, alors que la deuxième économie mondiale est touchée par un net ralentissement.
L’appel de Hu à faire de la Chine une « puissance maritime » a suscité une réaction immédiate de Tokyo, qui a appelé Pékin à agir sur les mers « pacifiquement et conformément au droit international ».
Au plan intérieur, les autorités chinoises sont confrontées à une vague d’immolations de Tibétains, qui s’est intensifiée à l’approche du congrès. Ces dernières 48 heures, six Tibétains se sont immolés par le feu ou ont tenté de le faire, selon le gouvernement tibétain en exil.
Le congrès s’ouvre au terme d’une « annus horribilis » pour le parti unique, marquée par l’affaire Bo Xilai et des révélations sur la fortune des familles des hauts dirigeants, dont celles de Xi Jinping et du Premier ministre Wen Jiabao.
Bo Xilai, aujourd’hui au secret, doit être jugé pour corruption et abus de pouvoir. Il est impliqué notamment dans l’assassinat par son épouse de l’homme d’affaires britannique Neil Heywood.
Hu Jintao a souligné l’importance de réformes politiques, un domaine dans lequel son bilan est jugé des plus minces: « La réforme du système politique est une part importante des réformes globales de la Chine », a-t-il souligné, appelant à « attacher plus d’importance à l’amélioration du système démocratique », tout en avançant « activement et prudemment ».
La réforme politique prônée par les responsables communistes chinois consiste à séparer plus clairement les rôles du Parti et de l’Etat et à permettre plus de participation de la population dans le choix des dirigeants locaux, mais en aucun cas à instaurer un multipartisme à l’occidentale.
Sur la scène de l’immense hall du Palais du peuple, tendue de rouge, Hu Jintao s’exprimait sous le regard des « anciens » du Parti et de l’Etat, dont l’ex-président Jiang Zemin, 86 ans (1993-2002), ou l’ex-Premier ministre Li Peng, 84 ans, en fonction au moment de la répression du « printemps de Pékin » de 1989.
Au terme des travaux du congrès, qui doit se prolonger jusqu’à mercredi, Xi Jinping, un homme d’appareil largement inconnu du grand public, doit prendre la relève de M. Hu, en principe pour deux mandats de cinq ans.
M. Xi, vice-président depuis 2008, doit être nommé au poste de secrétaire général du PCC, ce qui fait de lui ipso facto le prochain président de la République populaire, une formalité prévue en mars 2013.
« Fils de prince » –son père a combattu aux côtés de Mao Tsé-toung, fondateur du régime– Xi Jinping hérite d’une Chine en pleine mutation, qui entend tenir son rang de deuxième puissance mondiale.
Il devra, comme son prédécesseur, rechercher en permanence le consensus auprès de ses pairs du Comité permanent du Bureau politique, l’organe suprême du PCC qui doit aussi être renouvelé.
Ses membres pourraient passer de neuf à sept, afin de faciliter les prises de décision en réduisant les conflits entre « conservateurs » et « réformistes ».
M. Xi est généralement présenté comme un homme de compromis acceptable par les deux parties. Il doit être secondé par Li Keqiang, qui succédera en mars à Wen Jiabao au poste de Premier ministre.
En dépit de son départ, Hu Jintao pourrait conserver la présidence de la puissante commission militaire du PCC et maintenir ainsi son influence.
AFP