L’opposante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi a annoncé être prête à diriger la Birmanie si son parti l’emporte aux élections, dans un entretien accordé jeudi à l’AFP au terme d’une tournée en Europe où elle a apprécié la « chaleur » de l’accueil des gens.
« Tout chef de parti doit se tenir prêt pour cette possibilité s’il croit vraiment au processus démocratique », a déclaré la « Dame de Rangoun » interrogée sur la possibilité qu’elle arrive au pouvoir en cas de victoire de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) aux élections législatives de 2015.
« Mais ce n’est pas une chose à laquelle je pense en permanence », a ajouté la Prix Nobel de la paix, recevant dans un petit salon du Sénat, à Paris.
« Il faut se concentrer sur le travail présent, préparer bien évidemment le futur. Le présent doit être lié aux espoirs du futur », a-t-elle estimé.
« On ne peut pas attendre 2015 (quand se tiendront des législatives) pour voir comment les choses seront à ce moment là. C’est maintenant le plus important et c’est ce message que j’essaie de passer au monde, que les trois années à venir détermineront ce que sera 2015 », a estimé Aung San Suu Kyi alors que la Birmanie s’ouvre après des années de dictature de la junte militaire.
« J’apprécie la chaleur des gens partout, dans le monde entier », a-t-elle dit au terme de sa visite de trois jours en France.
« Tellement de personnes, de tous les coins de la planète, semblent au courant de notre lutte en Birmanie. J’ai ressenti un formidable élan de solidarité à notre égard. C’était une surprise », confesse-t-elle.
L’icône de la démocratie a été accueillie comme un chef d’Etat, notamment par le président François Hollande. Prix Nobel de la paix en 1991 et privée de liberté pendant 15 ans par la junte birmane, elle a appelé les prisonniers de conscience et politiques dans le monde à ne pas abandonner leur combat.
Elle avait réaffirmé sa confiance dans le processus de transition démocratique en Birmanie tout en soulignant qu’on en était « juste au début du chemin ».
« Le processus (de démocratisation) n’est pas irréversible, tant que les militaires n’ont pas fait preuve de leur engagement envers le processus, car ce sont encore eux les plus forts, mais au final c’est le peuple birman qui doit décider de la direction qu’il veut pour le pays », avait-elle déclaré mercredi.
Comment reste-elle calme et concentrée ? « C’est très fatigant. Et quand on m’interroge sur les sacrifices que j’ai faits, j’ai toujours envie de répondre que le plus grand sacrifice a été le sommeil », dit-elle.
« Il va me falloir du temps pour savoir quel souvenir m’a le plus marquée (pendant la tournée européenne), mais globalement il est plus lié aux hommes qu’aux lieux. J’ai vu des endroits extraordinairement beaux, mais j’ai toujours préféré les gens aux lieux », dit-elle.
Comment le monde a changé pour elle, empêchée de sortir de Birmanie pendant 24 ans ? « La perception est que le monde est plus petit, que l’on est plus proche des uns des autres que par le passé », estime-t-elle.
« J’ai reçu beaucoup, beaucoup de fleurs. Mais il y a une chose que nos amis européens doivent savoir », dit la Dame de Rangoun, dont la chevelure est bien souvent ornée de fleurs.
« Les tiges des roses européennes sont trop grosses et il m’est difficile de les mettre dans mes cheveux. J’apprécierais des variétés plus petites, plus délicates », dit-elle en souriant.
Aung San Suu Kyi a rencontré jeudi matin l’ancien président Nicolas Sarkozy, puis le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, et le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, avec qui elle a évoqué « l’idée d’une coopération parlementaire ».
Elle rentre vendredi en Birmanie après une tournée commencée en Suisse, poursuivie en Norvège, en Irlande, en Grande-Bretagne et qui se terminait par la France.
AFP