Avant que toutes les cathédrales de France ne sonnent à 18H50, 48 heures après un incendie qui a stupéfié le monde, les ministres sont mercredi pour leur conseil hebdomadaire au chevet de Notre-Dame qu’Emmanuel Macron souhaite voir reconstruite d’ici cinq ans. Un chantier titanesque.
L’incendie de la cathédrale lundi soir a soulevé une vague d’émotion planétaire et suscité un afflux de dons inédit pour financer la reconstruction.
La mobilisation de milliardaires et de grands groupes, qui ont promis des centaines de millions d’euros en un temps éclair, était critiquée par des responsables politiques et syndicaux ainsi que des « gilets jaunes » déplorant leur implication bien moindre contre « la misère sociale ».
« Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années », a déclaré Emmanuel Macron au cours d’une allocution télévisée mardi soir à l’Elysée. La veille, le chef de l’Etat avait annulé en catastrophe son intervention où il devait annoncer ses mesures pour répondre à la crise des « gilets jaunes » et au grand débat.
Mercredi, le Conseil des ministres, qui a débuté à 10H00, était entièrement consacré à l’incendie du monument historique le plus visité en Europe (12 millions de touristes en 2017). Le Premier ministre Edouard Philippe s’exprimera à son issue, avant « une réunion de lancement de la souscription nationale et de la reconstruction », a précisé l’Elysée.
Face à ce chantier colossal, les contributions affluent, d’Apple à la Banque centrale européenne en passant par des milliers d’anonymes, atteignant au moins 800 millions d’euros mardi soir.
Le géant pétrolier Total a offert 100 millions, comme la famille Pinault; le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, 200 millions, de même que la famille Bettencourt-Meyers et le groupe L’Oréal.
La mairie de Paris, qui a accueilli plusieurs œuvres sauvées des flammes, a débloqué 50 millions d’euros et Anne Hidalgo souhaite organiser « une grande conférence internationale des donateurs ». La région Ile-de-France a alloué 10 millions d' »aide d’urgence » et les sept départements franciliens des petite et grande couronnes 20 millions.
– Polémique « minable » –
Mais loin de la « trêve » dans la bataille politique voulue par certains partis au lendemain du drame, des critiques montent: Ingrid Levavasseur, initiatrice d’une liste « gilets jaunes » pour les élections européennes avant de finalement renoncer, a appelé à « revenir à la réalité » après l’incendie, fustigeant « l’inertie » des grands groupes face à la « misère sociale » quand ils se mobilisent pour la cathédrale.
« Le plus simple (pour ces entreprises) serait déjà de payer leurs impôts, plutôt que de médiatiser des dons défiscalisés à 60% », a lancé Manon Aubry, tête de liste La France insoumise pour les élections européennes.
« S’ils sont capables de donner des dizaines de millions pour reconstruire Notre-Dame, qu’ils arrêtent de nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour satisfaire l’urgence sociale », a dénoncé le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Polémique « minable », a rétorqué le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. « Opposer les vieilles pierres aux hommes c’est ridicule dans la mesure où ces pierres nourrissent les hommes », avec les années de travail assurées par ce chantier aux « tailleurs de pierre, couvreurs et charpentiers » qui vont y œuvrer, a défendu Stéphane Bern, l’animateur de télévision chargé de la mission et du loto du patrimoine.
Le chantier dans ce bijou de l’art gothique, qui faisait l’objet d’importants travaux depuis plusieurs mois, s’annonce titanesque. Après 15 heures de mobilisation de quelque 400 pompiers, les portes ouvertes de Notre-Dame ont dévoilé mardi matin une scène de désolation: en s’effondrant, le toit, la charpente et la flèche ont jonché l’intérieur de la cathédrale de monceaux de débris calcinés.
Les deux tours emblématiques de la façade ouest ont en revanche été épargnées, et le coq de la flèche a été retrouvé. La couronne d’épines et la tunique de Saint Louis, deux objets extrêmement importants pour les catholiques, ont pu être sauvées, comme plusieurs oeuvres d’art, mais certaines n’ont pas pu être déplacées et restent étroitement surveillées par les pompiers.
« Globalement, la structure tient bon » mais des « vulnérabilités ont été identifiées notamment au niveau de la voûte », selon le secrétaire d’Etat à l’Intérieur Laurent Nuñez.
– Semaine sainte –
L’enquête, qui a commencé alors que l’incendie faisait encore rage, s’oriente vers « la piste accidentelle », a précisé le procureur de Paris, Rémy Heitz. Une trentaine de témoins – des ouvriers présents lundi et des employés chargés de la sécurité de l’édifice – ont déjà été entendus et d’autres le seront mercredi.
Mardi soir, des centaines de personnes se sont réunies pour une veillée sous la statue de Saint-Michel à Paris, proche des lieux du sinistre. « C’était important pour moi de me réunir, j’avais un besoin de venir là, ça m’a profondément choquée (…) C’était un besoin de prier avec mes frères et sœurs tout simplement », explique Mathilde, catholique pratiquante de 27 ans.
De Donald Trump à Vladimir Poutine en passant par le président chinois Xi Jinping, le drame a provoqué une vive émotion sur le globe.
En Angleterre, les cloches des églises ont résonné mardi soir, tandis que celles des cathédrales françaises tinteront mercredi à 18H50, « heure du début de l’incendie à Notre-Dame », a indiqué la Conférence des évêques de France.
L’incendie est intervenu au premier jour des célébrations de la Semaine sainte qui mène à Pâques, principale fête chrétienne.
Le bâtiment est mondialement connu pour son architecture mais aussi grâce au chef-d’œuvre de Victor Hugo, « Notre-Dame de Paris », roman maintes fois adapté au cinéma, notamment par les studios Disney, ou en comédie musicale. Le livre était mardi en tête des ventes sur Amazon.
afp