La République démocratique du Congo s’apprête à fêter Noël engluée dans son interminable crise politique après l’annonce d’un nouveau report des élections générales qui doivent désigner le successeur du président Joseph Kabila au pouvoir depuis près de 18 ans.
Aucune violence majeure n’a été rapportée vendredi au lendemain de l’annonce du report des élections du 23 au 30 décembre par la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
Mais la tension politique ne faiblit pas. La coalition d’opposition Cap pour le changement (Cach) autour du candidat Félix Tshisekedi a prévenu qu’elle n’accepterait « pas un autre report même d’un jour » au-delà du 30 décembre considérée comme la « ligne rouge » à ne point franchir.
M. Tshisekedi s’est déclaré convaincu que « Joseph Kabila ne veut ni quitter le pouvoir ni organiser des élections ».
« On se pose la question s’il y a vraiment la volonté que les élections aient lieu ou pas », s’interroge Sylvie, une habitante du quartier Majengo à Goma dans l’Est.
A Goma, dans l’est du pays, une vingtaine de militants du mouvement citoyen anti-Kabila Lutte pour le Changement (Lucha) ont marché dans les quartiers populaires des Virunga et de Majengo, brandissant des pancartes contre le report des élections, a constaté l’AFP.
La Céni a expliqué ce nouveau report par des retards logistiques qui auraient empêché l’organisation du vote dans la capitale Kinshasa (plus de 10% des habitants et des électeurs inscrits en RDC).
– Crash d’un Antonov –
Les questions logistiques ont fait de nouveau parler d’elles indirectement vendredi, avec la mort d’au moins six personnes dans le crash d’un avion Antonov 26 affrété par la Céni, selon la commission électorale.
Un avion de la compagnie privée Gomair s’est écrasé en phase d’atterrissage à l’approche de l’aéroport de Ndjili de Kinshasa après avoir livré du matériel électoral à Tshikapa (centre), selon la Céni.
L’accident s’est produit au retour de l’avion à Kinshasa, après avoir livré du matériel électoral à Tshikapa, selon la Céni.
Trois membres d’équipage seraient russes, selon l’ambassadeur de Russie à Kinshasa Alexei Sentebov, qui dit attendre des autorités congolaises davantage de précisions des autorités congolaises.
Si les élections sont reportées d’une semaine, la campagne électorale doit s’arrêter en revanche dès ce vendredi conformément au calendrier initial, a précisé le président de la Céni, Corneille Nangaa.
La coalition autour de M. Tshisekedi a fait part de son intention de poursuivre sa campagne jusqu’au 28 décembre à minuit.
L’autre candidat d’opposition Martin Fayulu n’a annoncé aucune communication et reste injoignable depuis l’annonce d’un nouveau report.
Révélation de la campagne, l’outsider Fayulu demandait le départ du président Joseph Kabila et de celui de la Céni en cas de nouveau report.
– « Coup dur » –
Le gouvernement congolais a rencontré vendredi matin les diplomates en poste à Kinshasa, a constaté un journaliste de l’AFP.
« Dites à vos capitales respectives qu’il n’y aura pas de chaos après les élections du 30 décembre 2018 », leur a lancé le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba, chef de la diplomatie par intérim.
« Je peux vous assurer que la police sera en nombre suffisant, je peux vous assurer que l’armée a été également préparée pour pouvoir assurer la sécurité de Kinshasa et du pays », a-t-il insisté.
« On n’aura pas besoin de demander une assistance militaire de quelque pays que ce soit, de quelque organisation que ce soit », a-t-il insisté.
Kinshasa veut organiser ses élections sans l’aide financière ni l’appui logistique de ses « partenaires » étrangers occidentaux (ONU, UE). La RDC refuse toute mission d’observation électorale occidentale.
La Mission des Nations unies au Congo (Monusco) a répété qu’elle proposait ses bons offices à « toutes les parties » pour « un processus électoral pacifique, transparent et crédible ».
« Nous aurions souhaité que les élections se tiennent à la date prévue », glisse une source onusienne. « Nous prenons acte de ce report de sept jours et demandons à tout le monde de rester calme ».
L’incendie d’un entrepôt de la Céni le 13 décembre à Kinshasa a porté un « coup dur » au processus électoral, s’est justifiée la centrale électorale.
Après l’incendie, la Céni affirme avoir commandé en Corée du Sud cinq millions de bulletins pour ses « machines à voter », qui n’arriveront en totalité que samedi à Kinshasa.
« Les problèmes en province sont énormes. Les retards d’arrivée du matériel sont colossaux. On ne voit pas trop comment ils arriveront à faire tout cela en une semaine, même en mettant les bouchées doubles », s’interroge un observateur averti de la situation congolaise.
Le dernier mandat du président Kabila, au pouvoir depuis 2001, s’est officiellement achevé en décembre 2016.
Les élections ont été reportées à décembre 2017, au 23 décembre 2018, puis au 30.