Attendu depuis près de 15 ans, le dossier médical partagé (DMP), sorte de carnet de santé numérique, va-t-il s’imposer dans le quotiden des Français au même titre que la carte vitale? C’est en tout cas l’espoir de l’exécutif, qui officialise mardi sa généralisation.
Lundi, déjà, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a invité « tous les Français » à « se faire ouvrir » un DMP, soit sur internet, soit chez leur pharmacien, vantant « un outil de partage d’information pour faire de la meilleure médecine », avec « des gains de temps, peut-être des économies » à la clé.
« Notre objectif est de faire que dans les deux-trois prochaines années, le DMP devienne une réalité pour tous les assurés sociaux de ce pays et l’ensemble des professionnels de santé », a assuré à l’AFP Nicolas Revel, le directeur général de l’Assurance maladie, en charge du nouveau dispositif testé depuis 2016 dans neuf départements.
Chacun peut désormais se rendre sur le site pour créer son carnet en ligne, et télécharger l’application mobile dédiée.
Non obligatoire, « gratuit, confidentiel et sécurisé », le DMP « conserve précieusement » les informations de santé du patient, libre de les partager avec son médecin traitant, son kinésithérapeute, son infirmière, etc., promet l’Assurance maladie.
Il permet de « retrouver dans un même endroit » son historique de soins des 24 derniers mois, ses antécédents médicaux (pathologie, allergies…), ses résultats d’examens (radio, analyses biologiques…), les comptes rendus d’hospitalisation ou encore les coordonnées des proches à prévenir en cas d’urgence.
De quoi satisfaire Fabienne, 57 ans, dont l’allergie aux sulfamides (antibiotique) a failli lui coûter la vie il y a quelques années, après une opération. « Je savais que j’étais allergique à un médicament mais ne me souvenais plus lequel, alors l’anesthésiste a supposé qu’il s’agissait de la pénicilline ».
Éviter ce type d’incident, mais aussi les interactions médicamenteuses dangereuses ou les actes redondants et inutiles est la vocation du DMP, également censé favoriser la coopération entre les professionnels de santé. Il est de ce fait particulièrement recommandé aux personnes atteintes de pathologies chroniques ou aux femmes enceintes.
– ‘un clic’ –
Présenté pour la première fois en 2004 par le ministre de la Santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, le DMP est tombé dans le giron de l’Assurance maladie en 2016, en vertu de la loi santé de Marisol Touraine, soucieuse de relancer un dispositif au point mort malgré son coût, d' »au moins 210 millions d’euros » en sept ans, selon la Cour des comptes.
Près d’1,9 million de personnes disposent actuellement d’un DMP, selon l’Assurance maladie, loin de l’objectif de 40 millions d’ici à 5 ans fixé avec des syndicats de professionnels de santé.
Mais plusieurs innovations devraient contribuer à lever certains freins.
Les patients pourront cette fois ouvrir eux-même leur dossier en ligne, auprès des agents des caisses d’assurance maladie, ou des pharmaciens, rémunérés un euro par dossier créé.
Environ 300.000 DMP ont ainsi été ouverts depuis juillet dans 8.000 officines, selon l’Assurance maladie, qui envisage désormais de proposer une rémunération similaire aux infirmiers, souvent au contact de patients peu mobiles.
Il n’y a en revanche « pas d’incitation aux médecins parce qu’ils ne l’ont pas souhaité et que ce n’est pas prioritairement à eux de prendre sur leur temps médical pour créer des DMP », explique M. Revel.
Autre « grand changement », le DMP est automatiquement alimenté par l’Assurance Maladie à partir de l’historique des remboursements, ce qui le rend « immédiatement utile et intéressant ».
Côté patient, le DMP n’a aucun impact sur les remboursements. « Seul » le médecin traitant « peut accéder à l’ensemble des informations », le patient pouvant bloquer les professionnels de son choix, ajouter ou masquer certains documents, ou supprimer son DMP, dont les données, « stockées dans des conditions de grande sécurité », selon M. Revel, seront conservées pendant 10 ans.
Appelé à évoluer, le DMP intègrera « dès avril 2019 » un espace « réservé aux directives anticipées » et bénéficiera d’une nouvelle version de l’application mobile, plus ergonomique, insiste l’Assurance maladie.