Dans toute l’Afrique, la toute-puissance de la Chine se mesure d’abord en milliards d’investissements. Au Malawi, son influence se traduit aussi par la pratique du mandarin, qui fait de plus en plus d’adeptes chez les étudiants et les hommes d’affaires.
Il y a encore quelques années, la scène eut été inconcevable. Des habitants de Lilongwe ou de Blantyre échangeant des plaisanteries ou parlant affaires avec des Chinois… en mandarin.
C’est aujourd’hui une réalité. Dix ans après la rupture des relations diplomatiques entre le Malawi et son ennemi juré Taïwan, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du petit pays pauvre enclavé d’Afrique australe.
Comme du reste du continent. Le président chinois Xi Jinping a promis aux dirigeants de 53 pays africains réunis jusqu’à mardi à Pékin une nouvelle salve d’aide de 60 milliards de dollars.
Le géant asiatique investit chaque année des milliards de dollars en Afrique depuis 2015 dans des infrastructures (routes, chemins de fer, ports) ou des parcs industriels devenus indispensables au maintien de leur croissance.
Pour profiter de cette manne sans cesse renouvelée, les Malawites se sont vite mis à l’heure de Pékin.
Maître de conférences en communication à l’université polytechnique de Blantyre, Temwani Mgunda est l’un d’eux.
Lui-même a étudié à l’université de Chine et répète à qui veut l’entendre que le mandarin est devenue une langue mondiale impossible à ignorer, spécialement par tous ceux qui entendent faire des affaires avec l’Empire du Milieu.
« Un de mes amis qui a appris le mandarin fait fortune en tant qu’interprète », raconte Temwani Mgunda, « il sillonne toute l’Afrique avec des hommes d’affaires chinois, pour la plupart incapables de parler l’anglais ou les langues locales ».
La semaine dernière, insiste-t-il, une entreprise chinoise a publié dans la presse locale une petite annonce pour recruter un Malawite parlant l’anglais et le mandarin.
« Les Chinois veulent s’ouvrir au monde entier mais leur principal défi, c’est leur langue », commente l’universitaire.
– « Bourses et emplois » –
Comme lui, de nombreux Malawites se sont donc mis au chinois. Plus d’un millier suivent aujourd’hui des cours dans les 25 classes ouvertes dans leur pays par l’institut Confucius, se réjouit son directeur, le professeur Feng Jianguo.
« De nombreuses entreprises chinoises offrent désormais des emplois. Si vous savez parler, lire et écrire le chinois, il vous sera beaucoup plus facile de décrocher ces emplois », explique M. Feng, « et il vous est aussi beaucoup plus facile de décrocher une bourse pour aller étudier en Chine ».
En inaugurant il y a deux ans l’institut Confucius dans sa capitale Lilongwe, l’ambassadeur chinois en poste à l’époque, Shi-Ting Wang, n’avait pas utilisé d’autre argument.
« Parler le chinois n’est pas seulement intéressant, mais aussi utile », avait-il alors souligné.
« La Chine offre des opportunités jusque-là inaccessibles », renchérit aujourd’hui Yvonnie Sundu, une journaliste du quotidien The Nation qui vient d’achever ses études en Chine.
« Dans la plupart des pays africains, Malawi compris, ceux qui voulaient prolonger leurs études partaient auparavant en priorité au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis », ajoute-t-elle, « depuis qu’elle s’est ouverte, ils préfèrent la Chine ».
Etudiante à Lilongwe, Ndaziona Mponde vient de débuter les cours de chinois et songe déjà à faire le voyage vers l’Asie.
« Je veux apprendre le chinois pour, si j’ai la chance d’aller en Chine pour étudier ou faire du commerce, y éviter les difficultés », explique-t-elle. « La langue peut s’avérer un obstacle si vous ne connaissez pas certaines choses ».
Pour séduire ceux qui seraient rebutés par la lecture des idéogrammes, Sung Goujua, enseignante à l’institut Confucius, n’hésite pas à tordre le cou aux idées reçues.
Apprendre le chinois n’est pas très difficile », assure-t-elle, « si votre but est de devenir interprète, bien sûr ce sera compliqué. Mais sinon, deux ou trois mois vous suffiront pour parler ».