Les trois principaux opposants maliens ont annoncé dimanche la saisine de la cour constitutionnelle du pays pour « bourrages d’urnes » par le camp du chef d’Etat sortant, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), arrivé en tête du premier tour de la présidentielle.
Le chef de l’opposition, qui défiera IBK au deuxième tour, Soumaïla Cissé, « a déposé hier soir (samedi, NDLR) une vingtaine de recours auprès de la cour constitutionnelle pour bourrages d’urnes, violation de la loi électorale, irrégularités », a indiqué à l’AFP un porte-parole de M. Cissé.
« Les bourrages d’urnes expliquent notamment les scores d’IBK dans le Nord et le Centre », a-t-il affirmé.
Le camp de l’ex-ministre des Finances a ajouté avoir déposé « une requête en récusation de six des juges de la cour pour suspicion de partialité, dont la présidente », Manassa Danioko.
« Cette récusation est collective » et est portée par « les 17 candidats du front démocratique », a affirmé le parti de M. Cissé qui avait déjà affronté IBK au deuxième tour, en 2013.
La cour constitutionnelle, composée de neuf juges, doit proclamer officiellement mercredi les résultats du premier tour pour que démarre la campagne du second tour qui se tient le 12 août et pour lequel Ibrahim Boubacar Keïta est donné grand favori.
La cour n’a pas confirmé la réception des différentes saisines car « les requêtes viennent en confidentialité et sont directement remises au secrétaire de la présidente », a déclaré à l’AFP Mamadou Magassouba, secrétaire général de la cour constitutionnelle du Mali.
Il a refusé en outre de commenter les accusations de partialité portées par le camp Cissé.
– « Dépouillement sans agents » –
Soumaïla Cissé, qui a recueilli le 29 juillet 17,8% des voix, contre 41,42% pour Ibrahim Boubacar Keïta, selon des résultats officiels proclamés jeudi soir, avait dénoncé dès vendredi des résultats « ni sincères, ni crédibles ».
Arrivé troisième du scrutin, avec 7,95% des suffrages, l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo a également « déposé un recours à la cour constitutionnelle qui concerne les résultats et le recomptage des voix », a indiqué à l’AFP son porte-parole, Cheick Diallo.
« Il y a beaucoup d’irrégularités que nous avons constatées le jour du scrutin » telles que « des dépouillements sans agents électoraux » ou encore « l’enlèvement illégal de certaines urnes », a-t-il déclaré, accusant également le camp IBK de « bourrage ».
Bien que la cour constitutionnelle soit « tendancieuse dans certains de ses arrêts, nous sommes obligés de rester dans ces procédures, car il n’y en a pas d’autres », a observé Cheick Diallo.
Le quatrième homme du premier tour, Cheick Modibo Diarra – bref Premier ministre renversé par l’armée en 2012 -, a lui aussi saisi le plus haut tribunal malien « au regard des constats d’irrégularités », selon un communiqué de sa formation politique.
La suspicion de fraude électorale, et en particulier de bourrages d’urnes, est sur toutes les lèvres des partisans de l’opposition, car le ministère de l’Administration territoriale a annoncé les résultats provisoires du premier tour seulement à l’échelle nationale.
Le gouvernement n’a « pas du tout l’intention de les publier en détail, bureau par bureau », a indiqué une source proche du ministère, resté sourd aux demandes répétées de l’opposition et des observateurs internationaux au nom de l’exigence de « transparence ».
Face à ce manque de détails, les allégations de manipulation du vote sont nombreuses, en particulier dans le Nord du pays, où le camp du chef d’État est accusé par l’opposition d’avoir profité des violences pour truquer les élections, ce qu’il était impossible dans l’immédiat de vérifier de manière indépendante.