La championne philippine de la lutte anticorruption, l’une des rares voix critiques envers le président Rodrigo Duterte toujours en position de pouvoir, a pris sa retraite jeudi, jugeant que les institutions devaient être plus fortes que les dirigeants.
Conchita Carpio-Morales, 77 ans, arrive au terme de son mandat de sept ans à la tête du service philippin spécialement chargé d’enquêter et de poursuivre les responsables politiques coupables de manquements dans leurs fonctions.
Mme Morales s’est attiré l’ire de M. Duterte pour avoir critiqué sa campagne meurtrière contre le trafic de drogue et avoir mené des investigations sur ses supposés comptes bancaires secrets.
M. Duterte l’avait accusée d’exercer une « justice sélective » et de conspirer avec l’opposition pour le renverser. Il avait menacé de la faire mettre en accusation par le Parlement.
Elle a balayé les accusations du président comme autant de « fausses nouvelles », ajoutant que ses menaces ne l’avait jamais empêchée de faire son travail.
« Je sais que j’ai raison dans mon travail, pourquoi aurais-je peur », avait-elle expliqué à l’AFP à quelques jours de son départ en retraite.
« Tant que nous aurons des institutions fortes, nous n’aurons pas besoin de gens forts pour diriger le gouvernement », a-t-elle dit, soulignant l’importance des institutions indépendance comme ses services.
M. Duterte, 73 ans, mène depuis son arrivée au pouvoir il y a deux ans une campagne de répression sans précédent contre le trafic de drogue qui a fait des milliers de morts. Les défenseurs des droits de l’homme estiment que le président s’est peut-être rendu coupable de crimes contre l’humanité.
Le président s’est montré très dur envers ses critiques, comme par exemple la sénatrice Leila de Lima emprisonnée pour trafic de drogue, des accusations qu’elle dit fabriquées de toute pièce, et Maria Lourdes Sereno, ancienne présidente de la Cour suprême limogée récemment.
Mme Morales, nommée en 2011 par le prédécesseur de M. Duterte Benigno Aquino, avait ulcéré le président en janvier en défiant son injonction de suspendre de ses fonctions son adjoint accusé d’avoir fait fuiter les comptes bancaires du président.
Elle avait déclaré que l’ordre de M. Duterte était anticonstitutionnel.
Ses services enquêtaient alors sur ses accusations selon lesquelles M. Duterte avait omis de déclarer 211 millions de pesos (3,4 millions d’euros) détenus sur des comptes secret alors qu’il était candidat.
Mme Morales avait mis un terme à cette enquête en février en accusant le conseil anti-blanchiment de la banque centrale, qui a accès aux comptes de la classe politique, d’avoir refusé de coopérer.
En 2016, elle avait reçu le prix Ramon Magsaysay, considéré comme le « Nobel asiatique », en récompense pour « son courage moral et son engagement en faveur de la justice ».
Son remplaçant probable est un juge de la Cour suprême nommé par M. Duterte.