dimanche, décembre 22, 2024
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EXCLUSIF AFP- Birmanie: l'opposante Suu Kyi optimiste mais prudente sur les réformes

EXCLUSIF AFP- Birmanie: l'opposante Suu Kyi optimiste mais prudente sur les réformes
Après un demi-siècle de pouvoir militaire, la Birmanie semble entrer dans une prometteuse ère de réformes, estime la célèbre opposante Aung San Suu Kyi, mais la route vers une démocratie authentique et pérenne sera longue et ne passera pas, selon elle, par la violence. Dans un entretien exclusif avec l’AFP à Rangoun, la lauréate du prix Nobel de la paix a jugé sincères les efforts du président Thein Sein, sans pouvoir présager de sa réussite à long terme.
"Il y a eu des changements, mais je ne pense pas que nous soyons encore tous libres, ou complètement libres. Il y a encore pas mal de chemin à parcourir, mais je pense qu’il y a eu des évolutions positives", a-t-elle expliqué dans les locaux délabrés de la Ligue nationale pour la démocratie (LND, dissoute), avec laquelle elle est entrée en politique il y a plus de vingt ans.
"J’ai toujours dit que j’étais une optimiste prudente et je le demeure. Je crois vraiment que le président voudrait provoquer des changements positifs mais savoir à quel point il parviendra à ses fins reste à examiner".
En mars dernier, la junte du redouté généralissime Than Shwe, au pouvoir depuis 1992, s’est auto-dissoute et a transmis le pouvoir à Thein Sein, l’un des nombreux hauts responsables militaires à avoir abandonné l’uniforme pour diriger ce régime "civil".
Le parlement issu des élections controversées de novembre a été convoqué, sourd aux critiques qui dénonçaient les irrégularités du vote et l’exclusion de Mme Suu Kyi, libérée seulement une semaine après le scrutin, après sept ans consécutifs de résidence surveillée.
Mais ces dernières semaines, le pouvoir s’est ouvert vers l’opposition.
Thein Sein a reçu Aung San Suu Kyi à Naypyidaw, posant sous une photo du père de l’opposante, le général Aung San, héros de l’indépendance assassiné en 1947 et unique figure du pays à faire l’unanimité. Rien n’en a filtré. Mais "nous avons beaucoup, beaucoup de choses en commun, sur ce que nous voudrions qu’il advienne de notre pays", a-t-elle convenu.

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Fidèle à son culte de la non-violence, qui lui a valu d’être comparée au Mahatma Gandhi, l’opposante exclut toute forme de mouvement qui ne serait rigoureusement pacifique. "Ce dont nous avons besoin, c’est d’une révolution de l’esprit. Avant que ne changent les attitudes, avant que ne change la perception (des autorités) sur les problèmes qu’ils affrontent, il n’y aura pas de vrai changement".
Une insurrection de type moyen-orientale est donc, pour elle, inadaptée.
"Chacun sait que les problèmes en Libye vont durer longtemps. Même s’ils arrivent à se débarrasser de tous les membres de l’ancien régime et établir un nouveau gouvernement, il y aura tellement de difficultés – l’aigreur qui va rester, les plaies qui resteront ouvertes si longtemps". "Le type de changements que nous souhaitons prend du temps. Et je préfèrerais que nous réussissions à y parvenir de façon pacifique, par la négociation".
Les derniers grands mouvements populaires en Birmanie, en 1988 et 2007, ont été violemment réprimés par la junte. Ils n’ont accouché d’aucune réforme, dans un pays qui compte encore plus de 2.000 prisonniers politiques.
L’égérie de la démocratie a certes boycotté les élections de 2010, les premières depuis celles qu’elle avait remportées en 1990 sans jamais pouvoir exercer le pouvoir. Mais la LND, dissoute par suite du boycott et à qui le régime a ordonné de cesser toute activité "interdite", continue de survivre. Sous la surveillance de policiers en civils qui photographient quiconque s’aventure dans ses locaux.
Celle que ses admirateurs appellent respectueusement la "Dame" se présentera-t-elle en 2015 ? Il est trop tôt pour le dire, a-t-elle tranché. Mais elle est prête à tout.
"Je ne réfléchis pas à mon rôle politique en m’imaginant devenir présidente, mais je crois que ces choses-là doivent être décidées par le peuple et non par des individus, ni même par leurs partis".
Le ferait-elle si le peuple le lui demandait ? – "Et bien, je crois que si vous n’êtes pas prêt à ça, si c’est nécessaire, il faut commencer par ne pas entrer en politique".
Récemment, Suu Kyi a été autorisée à voyager hors de Rangoun, attirant dans son sillage des centaines de partisans. Et pour la première fois, des diplomates et une poignée de journalistes étrangers – dont l’AFP – ont pu visiter le parlement.

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Une main tendue lors d’un discours à l’endroit des minorités ethniques et quelques projets de lois ont complété ce que certains voudraient voir comme une promesse politique. Pas assez, pourtant, pour convaincre les sceptiques et faire oublier que les opposants politiques restent en prison.
Le mois dernier, un émissaire de l’ONU a de nouveau condamné le désastre des zones ethniques en situation de guerre civile, où fleurissent meurtres, viols, recrutement d’enfants-soldats et recours au travail forcé.
L’an passé, l’émissaire, Tomas Ojea Quintana, avait déjà exaspéré la junte en réclamant une enquête internationale sur les exactions des forces de sécurité, assimilables selon lui à des "crimes contre l’humanité".
Suu Kyi estime pour sa part qu’un travail proche des Commissions Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, dans les années 90, pourrait contribuer à apaiser une nation traumatisée.
"Ce n’est pas un tribunal. Cela n’a rien à voir avec la vengeance. Mais il faut établir les faits, pour permettre une harmonie future et le pardon". Après avoir vécu sept ans sans internet ni téléphone, celle qui a inspiré tant de militants avait promis d’ouvrir des comptes Facebook et Twitter. Mais la "Dame" est trop occupée. "Je dois admettre que nous sommes un peu débordés, parce que rattraper le travail en retard qui s’est accumulé pendant sept ans ne peut se faire rapidement".

Diasporas-News  — AFP

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