mercredi, octobre 30, 2024
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Hommage : Amadou Mahtar Mbow, premier Africain directeur général de l’Unesco

Décédé le 24 septembre dernier, à l’âge de 103 ans, Amadou Mahtar Mbow, est un homme de records. Premier Africain directeur général de l’UNESCO, il est aussi un des rares à avoir vécu jusqu’au chiffre fatidique de 100 ans, qu’il a même allègrement dépassé. Ce grand homme qui fut scout, combattant, enseignant, député, opposant, ministre de l’Éducation nationale, puis de la Culture et de la Jeunesse du Sénégal, aura traversé son époque avec dignité et grandeur, en portant au plus haut les droits et les valeurs culturels de ceux que l’on réduisait alors au tiers-monde. Federico Mayor, qui fut son successeur à l’Unesco, avait salué en lui « un grand Monsieur de ce monde ». À une période ou pas un seul chef d’état n’avait de respect pour lui. Oui, Mahtar Mbow imposait le respect par ces qualités intellectuelles, ses convictions et son caractère, qui en faisaient une main de fer dans un gant de velours.

Le parcours exemplaire du professeur Amadou Mahtar Mbow s’inscrit dans une période d’importants changements historiques en Afrique et dans le monde, et témoigne des enjeux et des combats de ces époques. Si la seconde université de Dakar (UNIDAK II) porte son nom, c’est la reconnaissance pour services rendus à plusieurs reprises à la nation sénégalaise, mais aussi à l’Afrique, au tiers monde et à toute la communauté scientifique internationale.

Amadou-Mahtar Mbow est né le 20 mars 1921 à Dakar. Lorsqu’il s’engage volontairement dans l’armée de l’air française à 18 ans, c’est la Seconde Guerre mondiale. Démobilisé en 1945, il commence par entreprendre des études d’aéronautique, passe un baccalauréat en Lettres modernes et rentre à l’Université de la Sorbonne où il obtient une licence ès-lettres d’enseignement. Il fonde la Fédération des étudiants africains en France, prépare une thèse de doctorat d’État en géographie et sort professeur d’histoire et de géographie.

De retour en Afrique, il est de 1951 à 1953 professeur au collège de Rosso en Mauritanie, puis de 1953 à 1957, il crée et dirige un service d’éducation de base (alphabétisation, éducation sociale et développement communautaire) sur plusieurs sites au Sénégal.

Durant la période d’autonomie interne du premier gouvernement sénégalais, il devient de 1957 à 1958, ministre de l’Éducation et de la Culture, mais démissionne très vite, pour s’engager pleinement dans la lutte pour l’indépendance de son pays. Il redevient alors professeur au Lycée Faidherbe à Saint-Louis du Sénégal et à l’École normale supérieure de Dakar, et à partir de 1966, il est de nouveau ministre de l’Éducation nationale, puis ministre de la Culture et de la jeunesse, et député en 1968, à l’Assemblée nationale du Sénégal.

Porté par le Groupe africain et le Groupe des non-alignés, il est nommé en 1970 sous-directeur général chargé de l’éducation de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), et en 1974 les États membres le font élire à l’unanimité Directeur général de l’Unesco pour un mandat de six ans. Il sera alors la seconde personnalité d’un pays du tiers monde, après le Mexicain Jaime Torres Bodet, à occuper ce poste et donc le premier Africain à être à la tête d’une des plus prestigieuses organisations des Nations unies. Il sera réélu, avec la même unanimité en 1980, pour un second mandat de sept ans.

Son élection à l’Unesco a été un grand moment dans le monde et l’action qu’il y a conduite a été éclatante. Admiré par d’éminents chefs d’états dont l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, Mahtar Mbow suscitait respect et admiration. Il savait dire les choses, sans faux-fuyant, alliant la métaphore à la diatribe pour contourner l’adversité.

Ces deux mandats, il les réalisera dans une période difficile, marquée par la guerre froide, durant laquelle il s’est efforcé de sauvegarder la cohésion des États membres autour des idéaux de l’organisation tout en œuvrant sans relâche pour l’ouverture et la connaissance réciproque à toutes les cultures des peuples du monde. De même, dans les domaines de l’éducation, par la promotion des savoirs et le renforcement de la coopération internationale ou des droits de l’homme, Amadou Mahtar Mbow a toujours porté les idéaux de paix et de fraternité humaine dans toute son action.

 Même si des crises secouent l’Unesco et provoquent le départ des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de Singapour de l’organisation vers la fin de son deuxième mandat, avec une presse qui tenta de le déstabiliser, le Sénégalais recevra la reconnaissance de tous à la fin de son passage dans l’institution.

Le jour de son départ de l’Unesco, l’hommage de tous les États membres sera unanime pour saluer la qualité du travail accompli, y compris ceux des pays qui ont quitté l’organisation à cette époque et qui ont voulu témoigner de leur grande estime à l’égard de cet homme remarquable.

Le professeur d’histoire et de géographie qui a œuvré avec passion pour l’éveil des consciences et la reprise en mains par les Africains de leur destinée, des petits villages du Sénégal jusqu’à la présidence de l’Unesco, a publié de nombreux ouvrages, de nombreux manuels sur la renaissance de l’Afrique, sur sa philosophie d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication, qui signent les combats du continent. Amadou Mahtar Mbow parti, puissions-nous espérer que son œuvre lui survive !

Malick Daho

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